Douze personnalités clés de la scène française ont présenté conjointement le dossier de l’artiste Bertrand Lavier.
L’histoire se répète. Il y a deux ans, la course à la candidature pour le pavillon français de la Biennale de Venise avait suscité un début de polémique dans le milieu de l’art. En cause, le nouveau mode de sélection faussement transparent mis en place par l’institut français avec le concours du Ministère de affaires étrangères et du Ministère de la culture. Soit un appel à projets ouvert à tous les binômes constitués d’un artiste français ou vivant en France depuis au moins cinq ans, et d’un commissaire reconnu en France et sur la scène internationale. La procédure, louable en ce qu’elle était censée mettre un terme aux nominations arbitraires, fut entachée par l’omerta régnant sur ces candidatures et les bruits de couloirs que cette course à l’échalote ne manqua pas de provoquer.
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C’est finalement l’artiste Céleste Boursier Mougenot, soutenu par la commissaire Emma Lavigne, depuis nommée directrice du Centre Pompidou Metz, qui remporta la mise. Pour le résultat que l’on sait : une débauche de moyens tant financiers que technologiques pour un projet qui avait perdu en cours de route toute sa poésie.
Cette année donc, dans la perspective de la Biennale de Venise 2017 (dont le commissariat, une fois n’est pas coutume, a été confié à une Française : la conservatrice du Centre Pompidou, Christine Macel), c’est reparti pour un tour avec un appel à projets auxquels les candidats motivés étaient appelés à répondre avant le 4 avril.
Si quelques rares noms d’artistes ont circulé (Stéphane Calais ou Franck Scurti, par exemple), la surprise devrait venir cette fois d’une candidature surprenante car elle offre un renversement de perspectives qui a tout l’air d’un pied de nez à ces procédures de nomination.
Soit le projet défendu, autour de l’artiste Bertrand Lavier, par un consortium de douze commissaires d’exposition, critiques d’art ou directeurs d’institutions. Et pas des moindres. Douze noms qui comptent parmi les plus prestigieux de ces trois dernières décennies sur la scène française. Par ordre alphabétique : Martin Bettenod, directeur de la Fondation Pinault ; Nicolas Bourriaud, ex directeur du Palais de Tokyo et de l’Ensba aujourd’hui à la tête du projet de préfiguration du futur centre d’art Montpellier métropole ; Xavier Douroux, codirecteur du Consortium ; Bernard Marcadé, critique d’art émérite, Jean-Hubert Martin, ex directeur, entre autres, du Musée national d’art moderne ; Catherine Millet, directrice d’Artpress, Stéphanie Moisdon, directrice des masters à L’Ecal ; Hans-Ulrich Obrist, directeur de la Serpentine Gallery : Chiara Parisi, directrice de la Monnaie de Paris qui accueillera prochaine une exposition de Bertrand Lavier en hommage à Raymond Hains ; Suzanne pagé, ex directrice du Mamvp aujourd’hui à la tête de la Fondation Vuitton ; Eric Troncy, co-directeur du Consortiulm et directeur de la revue Frog et Olivier Zahm, directeur de la revue Purple.
Du très beau monde, au CV long comme le bras, qui fait la pluie et le beau temps de la scène française depuis près de trente ans. La plupart sont « supporting curators », le titre est joli et accompagne donc de tout son poid cette candidature choc fomentée par les deux « executive curators » à l’origine de l’idée : Eric Troncy et Nicolas Bourriaud.
Bertrand Lavier de son côté, sans doute échaudé par le fait de se retrouver depuis la fin des années 90 dans les short list sans jamais se voir délivrer le sésame d’entrée, a été « bienveillant mais pas coopératif » dans le sens où il n’a pas pondu de projet clé en main pour le pavillon français.
« Il n’a pas voulu se soumettre au jeu du « projet » mais m’a raconté ce sur quoi il travaille en ce moment. Je ne pense pas, de toutes façons, que Sarah Lucas ait fourni un « projet » pas plus que les autres artistes des autres pavillons. Cette « logique du projet » me paraît terriblement dangereuse parce qu’au fond, tout le monde est capable aujourd’hui de faire un « projet » ponctuellement pour satisfaire aux conditions d’une exposition ici ou là… Il est en revanche plus compliqué de s’accorder sur une « Oeuvre »… C’est ce que notre curatorial team propose de faire » a commenté Eric Troncy.
Si l’Institut Français a accusé réception de ce dossier hors norme sans plus de commentaires, il faudra désormais attendre quelques semaines pour savoir comment les jurés recevront cette candidature : comme une ultime provocation ? Une façon plutôt habile de pointer les dérives normatives des procédures de nomination ? Ou une aspiration légitime et collective en faveur d’un artiste qui après Annette Messager, Sophie Calle ou Christian Boltanski aurait toute sa place au sein du Pavillon français ? Quoi qu’il en soit il leur sera difficile de disqualifier d’un simple revers de main cet attelage de choc.
En attendant, c’est à la Monnaie de Paris que l’on retrouvera Bertrand Lavier à partir du 27 mai où il revisitera l’héritage du génial Raymond Hains, son ami au long cours, dans une expo intitulée « Merci Raymond !«
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