Conjuguant la langue de Racine au présent, Stéphane Braunschweig monte Britannicus pour illustrer la violence des règlements de comptes entre les figures du monde politique contemporain.
Racine met en perspective dans Britannicus des intrigues de cour remontant à l’époque de la Rome de Néron, pour mieux épingler les mœurs de la gent politique du XVIIe siècle. Stéphane Braunschweig fait l’hypothèse que rien ne change jamais sous les cieux de ceux qui gouvernent nos vies.
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Avec cette démonstration lumineuse, il se propose de nous faire entendre la pièce comme si elle avait été écrite aujourd’hui, pour cibler les enjeux d’une bataille de succession se déroulant sur les moquettes moelleuses et dans l’ambiance feutrée des hautes sphères du pouvoir.
La pièce voyage dans le temps
On ne s’étonnera donc pas de la présence anachronique de l’immense ovale d’une longue table de bois clair qui prend toute la largeur de la scène de la salle Richelieu. Avec sa collection de chaises design sagement rangées autour, elle transforme le salon du palais, où va se jouer la tragédie, en une salle de réunion identique à celles où se réunissent en temps de crise les instances décisionnaires de notre République.
Cadrer l’action dans un décor contemporain et faire porter aux acteurs du Français des costumes inspirés de ceux qu’on croise dans les couloirs des ministères n’aurait jamais suffi à justifier un tel parti pris. C’est le point de vue du metteur en scène sur le vers racinien qui légitime cette proposition de faire voyager la pièce dans le temps.
Stéphane Braunschweig imagine que cette langue est devenue celle de nos représentants
Mécanique de précision au service d’une écriture soumise aux règles de sa construction, l’alexandrin est pour Stéphane Braunschweig bien plus qu’une manière de faire rimer des dialogues. Il devient avec lui la métrique idéale pour classer les éléments de langage d’un discours assassin, sans qu’il soit nécessaire qu’un mot soit dit plus haut que l’autre. Imaginant que cette langue est devenue celle de nos représentants, le metteur en scène joue avec cruauté de sa limpidité pour nous faire entendre la partition racinienne d’une manière unique.
La proposition s’avère un cadeau pour la troupe et une opportunité de briller pour Dominique Blanc qui rejoint la Comédie-Française à cette occasion. Eblouissante dans le rôle d’Agrippine, l’actrice rend hommage à son personnage en campant avec élégance une femme politique tombant en disgrâce.
Débarrassé de l’apparat d’un autre temps, le bras de fer qui l’oppose à son fils Néron (Laurent Stocker) paraît d’une âpreté inégalée. Un combat sans merci où les mots blessent d’autant plus qu’ils semblent aiguisés comme jamais, tant ils sont mis à nu.
Britannicus de Jean Racine, mise en scène Stéphane Braunschweig, avec Dominique Blanc, Clotilde de Bayser, Laurent Stocker, Hervé Pierre, Stéphane Varupenne, Georgia Scalliet, Benjamin Lavernhe, jusqu’au 23 juillet à la Comédie-Française, salle Richelieu, en alternance, comedie-francaise.fr
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