Bill Viola s’est éteint ce samedi 13 juillet, à 73 ans. Il laisse derrière lui une œuvre inestimable, marquée par ses explorations visuelles et philosophiques de la condition humaine.
Né le 25 janvier 1951 à New York, Bill Viola a étudié à l’université de Syracuse où il a découvert sa passion pour la vidéo et l’art multimédia. Dès le début de sa carrière, il a su repousser les frontières du video art, utilisant la technologie pour créer des œuvres immersives qui explorent des thèmes universels tels que la vie, la mort, le temps et la spiritualité. Ses installations, souvent monumentales et profondément émouvantes, ont transformé la manière dont l’art vidéo est perçu et ont inspiré une nouvelle génération d’artistes.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
On avait la chance de le connaître, on était allé lui rendre visite dans son atelier en banlieue de Long Beach, où il s’est installé il y a plus de quarante ans avec son épouse et complice Kira Perov. Un atelier aux dimensions d’un studio de cinéma et aux allures de musée, dans l’une des salles gigantesques duquel trônait une vedette de quinze mètres de long, mise là pour être filmée pour un projet.
Kill your television
Il aurait pu devenir réalisateur de longs métrages, passionné par des caméras qu’il collectionnait et avec lesquelles il filmait inlassablement. On se souvient de l’appareil de surveillance qu’il avait dégoté chez un antiquaire, la Lunar light camera, sensible aux infrarouges avec laquelle il sillonnait le désert de nuit. Mais à l’évocation d’Hollywood, Bill répondait simplement : “je n’ai jamais été intéressé par la forme narrative”. Sur un mur de son atelier, un slogan placardé : Kill your television. Il expliquait parfois sa démarche comme une déclaration de guerre au petit écran.
Il se tenait à l’écart des modes et du milieu de l’art contemporain. Intemporelle, son œuvre puise et dialogue plutôt avec les chefs-d’œuvre de la Renaissance, du Moyen Âge, ou d’autres cultures, notamment l’Asie qui le passionnait (il pratiquait le bouddhisme zen). Parmi ses œuvres les plus célèbres, on citera The Reflecting Pool (1977-1979), Nantes Triptych (1992), et The Passing (1991). Chacune d’entre elles témoigne de son talent unique pour saisir des moments de transformation et d’émotion humaine avec une beauté et une profondeur sans égales.
Tandem artistique
Il formait avec sa femme Kira Perov, un véritable tandem artistique, “il faudrait dire les Viola, comme on disait les Christo ou les Lalanne”, disait son ami Jérôme Neutres, commissaire de l’exposition de 2014 au Grand Palais. Elle organisait, coordonnait, veillait à ce qu’il soit au calme pour travailler, et co-réalisait de plus en plus avec son mari ces dernières années. Aristote au doigt pointé vers le sol, les pieds bien sur terre, tandis que lui était plutôt le Socrate qui tend le doigt vers le ciel des idées.
Comme toutes les personnes qui l’ont rencontré en témoignent, il se passait quelque chose de spécial en présence de cet homme hors du commun. Il s’exprimait de façon simple mais profonde, spirituelle au sens propre du mot. Son esprit fusait dans tous les sens sans s’égarer, marque authentique du génie. Il a toujours cherché à comprendre et à exprimer l’expérience humaine dans toute sa complexité, utilisant l’eau, le feu, la lumière et le temps comme métaphores de la transformation spirituelle et de la résilience humaine.
“Il y a plus que ce que nous voyons, qui n’est qu’une façade”, confiait-il au sujet de son travail. “Cela ne vient pas de la tête, mais de là ”, disait-il également en montrant son ventre. Il nous avait décrit l’expérience “capitale” à l’origine de sa vocation d’artiste, ce moment où il est tombé d’une barque dans un lac à six ans. “C’était extraordinaire. Je suis resté assis par terre, dans l’eau, à tout observer autour de moi, et je me suis dit ‘OK, ça doit être le paradis, l’étape d’après’ (…).” Espérons, où qu’il soit, qu’il ait retrouvé la sérénité et la paix de l’expérience de son enfance.
{"type":"Banniere-Basse"}