Convoquant Eugène Labiche et le Russe contemporain Viripaev, Frédéric Bélier-Garcia réunit deux pièces délirantes où le mensonge est poussé jusqu’à l’absurde.
On sait la planète malade d’une méchante épidémie de fausses nouvelles. Signe des temps : a souvent valeur de vérité ce qu’on devrait ranger du côté des brèves de comptoir produites par les pythies en verve d’un café du Commerce, résolument conspirationnistes. Pour retrouver notre esprit critique et une mise à distance propre au sens de l’humour, il est grand temps de passer aux travaux pratiques.
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En forme d’exorcisme par le rire, Frédéric Bélier-Garcia soigne le mal par le mal en nous entraînant dans le grand bain de deux fictions où les intrigues ne contiennent pas une once de vérité. Mariant une écriture contemporaine à un classique du vaudeville, le metteur en scène pointe du doigt la tradition d’un théâtre qui, pour notre élévation, se livre à l’éloge de l’absurde.
Sur l’air du soupçon
Revisitant les potentiels comiques du triangle formé par un couple et l’ami de la famille, l’auteur russe Ivan Viripaev s’amuse dans Les guêpes de l’été nous piquent encore en novembre des sous-entendus sexuels de la phrase qui donne son titre à la pièce et qu’il utilise en running gag dans son texte. Sur l’air du soupçon et au prétexte d’une partie de fumette apte à délier les langues, Mark va tenter de tirer les vers du nez d’Elena et de leur ami Joseph quant à la présence chez lui d’un certain Markus, qui est le frère de Joseph et l’amant présumé de sa femme.
Rien de neuf sous le soleil, si ce n’est le twist que ces trois-là opèrent en s’interpellant par des prénoms inventés. Le fait que Mark devienne Robert, qu’Elena se fasse appeler Sarra et que Joseph hérite de Donald creuse en permanence le vide d’une étrange convention amoureuse qui transforme le délire inquisitoire en fantasme partagé.
Fait divers et nonsense
A la manière d’un jeu des sept erreurs, Frédéric Bélier-Garcia parsème d’éclats de modernité les échanges de L’Affaire de la rue de Lourcine d’Eugène Labiche. Une manière de pimenter les effets de la terrible gueule de bois dont sont victimes le bourgeois Lenglumé et Mistingue, son compagnon de beuverie. Si la lecture de la presse les transforme en criminels et réveille leurs pires instincts, on sait depuis 1857 qu’ils ne font que prendre pour argent comptant un fait divers qui remonte à vingt ans.
Habiles à tirer sur les ficelles d’un nonsense qui parcourt les deux exercices de style, Camille Chamoux, Jean-Charles Clichet, Sébastien Eveno et Stéphane Roger prennent un malin plaisir à nous mener par le bout du nez sur ce parquet de bal désert où se déroule l’action. Fréquenter ce monde où les vessies s’avèrent être toujours des lanternes devient le meilleur des entraînements pour apprendre à distinguer le vrai du faux.
Les guêpes de l’été nous piquent encore en novembre d’Ivan Viripaev, suivi de L’Affaire de la rue de Lourcine d’Eugène Labiche, mise en scène Frédéric Bélier-Garcia, du 8 novembre au 1er décembre, Théâtre de la Tempête, Paris
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