Il y a, dans le champ des images, une filiation discrète et néanmoins incisive. Une manière autre de capter les corps, les présences, et plutôt que de les saisir, par l’acte toujours unilatéral d’une représentation, de les transir. À peine, dans leur mouvement, comme un souffle. Une énergie, donc, une rémanence plutôt qu’une trace de passages plutôt que de photons.
Alors que s’ouvrent, cette semaine à Arles et dans la région alentour, la 59e édition des Rencontres de la photographie, l’une des expositions associées à son parcours fait la part belle à la présence physique des visiteur·teuses.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
À la galerie High Art, située depuis 2020 dans la chapelle de la Madeleine, le jeune artiste américain Cooper Jacoby présente une variation de sculptures reliées à la photographie par le versant de la sensibilité : non pas celle à la lumière faisant image, mais cette autre, calorifère, de l’empreinte d’un corps faisant couleur. Mirror Runs Mouth (jusqu’au 13 août), le titre de l’exposition, part de la catastrophe climatique et du retour dans le sillage des angoisses eschatologiques. Il sera question de pratiques divinatoires ancestrales, marquant l’esprit du temps devenu à nouveau incertain, et comme son pendant formel, d’une série d’œuvres enduites de pigments thermosensibles.
Tempéraments
À l’instar des bancs publics, au design universel, fonctionnel et sans qualité, détournés par l’artiste basé à Miami en les enduisant de pigments thermosensibles : invitant à venir y marquer une halte, ils conservent à leur surface les traces du passage des corps et, peut-être, disent quelque chose du tempérament de chacun – après tout, la médecine hippocratique faisait découler les quatre tempéraments de l’équilibre entre les quatre éléments de l’univers, chaud, froid, sec et humide. Si l’on pense, depuis l’image cette fois-ci, aux tentatives comparables d’en élargir le spectre chez Smith, ou encore à la série au long cours de l’artiste des thermogrammes depuis ses Spectrographies, ou chez Antoine d’Agata via une investigation récente, Virus, entreprise durant le confinement, errant équipé d’une caméra thermique le long des ruelles d’un Paris déserté, Cooper Jacoby inscrit quant à lui son procédé au plus près de corps désormais sommés de se penser dépendants, ou reliés, avec le milieu qui les entoure, enveloppe et, d’une certaine manière, conditionne : en cas de trop fortes chaleurs, la peinture, moirée, se figera pour ne plus indiquer d’un noir d’encre pétrolifère, viscéral, de mauvais augure ou peut-être, simplement, échappant aux coordonnées habituelles de perception rationnelle, diurne et détachée de sa part primordiale.
{"type":"Banniere-Basse"}