Faits comme des rats, voilà le sentiment qui domine pendant et après la représentation de Sans titre, pour raisons légales et éthiques du chorégraphe sud-africain, juif et homosexuel Steven Cohen. Autant d’étiquettes qu’on s’empresse de mentionner puisqu’il en a fait depuis longtemps l’étendard de ses performances plastiques et chorégraphiques. Des rats, il en court beaucoup, […]
Faits comme des rats, voilà le sentiment qui domine pendant et après la représentation de Sans titre, pour raisons légales et éthiques du chorégraphe sud-africain, juif et homosexuel Steven Cohen. Autant d’étiquettes qu’on s’empresse de mentionner puisqu’il en a fait depuis longtemps l’étendard de ses performances plastiques et chorégraphiques.
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Des rats, il en court beaucoup, enfermés dans des tuyaux de plastique transparent, juste derrière les spectateurs assis sur un rebord de pierre sous le plateau de la Cour d’honneur du Palais des Papes. On les entend s’agiter et remuer à hauteur de notre cou, indifférents à ce qui se trame sous nos yeux. On en verra d’autres, affublés de lumières accrochées sur le dos, déambuler dans une spirale de tuyaux à la fin du spectacle. Des rats, donc, censés incarner et représenter l’image des juifs véhiculée par les nazis pour légitimer la Shoah, thème central d’un spectacle né de la découverte par Steven Cohen du journal intime d’un jeune juif français entre 1939 et 1942, brutalement interrompu par la déportation et la mort.
Que faire d’un tel matériau et de l’utilisation de ce témoignage dont Steven Cohen s’empare forcément au nom de celui qui l’a porté ? Une question éthique à laquelle il répond malheureusement par un happening de réappropriation de l’expérience concentrationnaire. Juché sur d’effroyables chausses en fer dont les semelles enserrent deux iPad où défilent les pages du journal intime, le visage grimé à outrance, le torse corseté et le sexe coincé dans un moule de plastique, Steven Cohen s’extrait lentement d’un trou fiché dans le mur.
Au son de chants mortuaires juifs, puis des voix de Hitler et de Pétain, il entreprend sa traversée de l’espace, s’aidant de cannes métalliques pour s’allonger, replier les jambes et offrir en un seul coup d’œil la vue de son entrejambe et celle du journal intime qui défile sur les I-Pad. Un parcours interrompu par les projections de deux films porno où une femme se masturbe et se pénètre avec un serpent ou, dans son bain, avec un poisson.
D’aucuns parlent de divagations poétiques (dossier de presse) ou d’une façon de souligner l’obscénité et la déshumanisation de la Shoah (article de presse). Sauf que comparaison n’est pas raison et que l’obscénité consiste ici à associer le désir de vivre d’un jeune juif condamné à mort par la solution finale et l’exhibition d’une actrice gagnant sa vie à travers la pratique de la zoophilie par le biais d’un voyeurisme imposé. Mettre en miroir nazisme et pornographie est contreproductif et n’aboutit qu’à une déplaisante confusion des genres, seul résultat tangible d’un spectacle qui, non content d’être sans titre, passe à côté de son objet et réussit seulement à donner la nausée.
Fabienne Arvers
Novembre 2012, Festival Novart Bordeaux, 28 novembre, Tri postal de Lille dans le cadre de Next
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