Avec une chambre d’hôtel prétexte à tous les fantasmes, Guillaume Vincent réinvente un théâtre de genre se nourrissant d’Alfred Hitchcock et du cinéma bis dans un précipité de scènes où l’angoisse est reine.
Littéralement enchâssé avec une précision d’orfèvre entre les arc-boutants et les piliers moulurés du transept de la chapelle des pénitents blancs, la scénographie de La Nuit Tombe de Guillaume Vincent est un petit bijou d’architecture qui se joue de l’alliage intime entre la pierre millénaire et la patine de ses boiseries, la rigueur austère de ses menuiseries métalliques et le glamour de ses vitraux. On pourrait s’y croire sous la protection de Batman dans une chambre d’hôtel située en haut d’un gratte-ciel de la mythique Gotham City et tout aussi bien dans l’immeuble new yorkais néogothique du film Rosemary’s baby de Roman Polanski… là où le diable a encore ses habitudes.
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Lieu récurrent où se cristallisent les intrigues du 7ème art, l’histoire de cette room 0607 est celle du défilé des personnages interlopes qui s’y croisent dans les désordres de son espace temps. L’occasion pour le metteur en scène de passer avec brio à l’écriture de sa première pièce. À l’instar de la bande annonce d’un cinéma idéal, le très cinéphile Guillaume Vincent construit son récit via un montage de courts plans séquences à découvrir comme autant de précieuses dédicaces aux films de genre… à ceux des maîtres, Alfred Hitchcock et John Carpenter, à ceux de la série des Scream ou des films de minuit.
Habitée par le Boogey man, sa chambre d’hôtel condense les angoisses enfantines et les peurs phobiques dans une compilation de coup de théâtre qui convoquent les méandres de la psychanalyse et réveillent les vertiges de l’irrationnel. Servie par une troupe impeccable (Francesco Calabrese, Emilie Incerti Formentini, Florence Jana, Pauline Lorillard, Nicolas Maury et Susann Vogel) cette proposition ouvre la voie à la revendication d’un théâtre de genre, elle annonce le revival de la tradition du saignant Grand guignol et celle des sombres poèmes dramatiques chers à Maurice Maeterlinck. Abordant la cruauté par le versant du jouissif et du tendrement pervers, la panic room de Guillaume Vincent mérite amplement d’être classée parmi les cinq étoiles dans l’annuaire des maisons hantées. Frissons garantis.
La nuit tombe de Guillaume Vincent, festival d’Avignon (compte rendu), Au théâtre des Bouffes du Nord du 8 janvier au 2 février et en tournée en France du 7 février au 30 avril.
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