Dans une édition où le théâtre se fait parfois (trop) verbeux, le danseur a malgré tout su trouver sa voie.
A nouvelle équipe nouveaux horizons : certains observateurs se sont demandés si la danse avait encore sa place dans la programmation imaginée par Olivier Py et son entourage. La réponse est oui – certes pas un oui franc et massif. On dénombre à peine une demie douzaine de propositions sur un festival qui a pourtant gagné quelques jours de plus (et pas mal de tempêtes en tout genre). On y aura vu des artistes soutenues par les scènes nationales à l’image de la Sud Africaine Robyn Orlin ou du Français installé à Tours, Thomas Lebrun. Sans oublier un pari, Lemi Ponifasio dans la Cour d’honneur, défi d’autant plus grand qu’à son dernier passage au Théâtre de la Ville, le Samoan avait plutôt vidé la salle.
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Coproduction internationale à l’appui, I AM de Ponifasio a rempli son rôle de « grand » spectacle à défaut d’être un choc. Il aime les images et, de ce côté-là, le public a été servi. Projections vidéo, apparition du haut de l’enceinte d’un chanteur ou d’un performer : la Cour, qui en a vu d’autres, se prête à ce genre d’excès ici maîtrisés. Lemi Ponifasio ne se revendique pas chorégraphe ou metteur en scène : il faut aller chercher du côté du meneur charismatique, celui qui porte à incandescence un propos. Ou essaye. Plus que la Première Guerre mondiale – un prétexte à défaut d’autre chose – I AM est riche de ses prières maori et l’engagement de certains interprètes remarquables. Pas sûr qu’au final (sans parler de la version salle attendue par la suite), la création de Lemi Ponifasio n’emporte le spectateur très loin.
A contrario, la danse a connu à Avignon ses francs-tireurs, Arkadi Zaides en tête. Au regard de l’actualité qui enflamme une nouvelle fois le Proche-Orient, on se dit que son solo Archives, présenté en ouverture du Festival, est bel et bien une réussite. On l’a écrit, on le répète. A retrouver la saison prochaine au Théâtre National de Chaillot.
Petite sœur en résistance, Julie Nioche donna, elle, une version 2014 de sa pièce manifeste Matter : depuis 2008, les interprètes chorégraphes se sont succédées à ses côtés. La force de Matter, sa beauté plastique aussi – scénographie de Virgine Mira – sont indéniables. Julie Nioche, présente sur le plateau, a « vieilli » avec sa chorégraphie qui, plus que jamais, lui colle à la peau. Des femmes en robes de papier que la pluie du théâtre ou l’eau du décor désagrège, un ballet d’ombres et de chair. Et, au final, cette danse en transe comme une libération. Matter se ressent plus qu’il ne se raconte. Il donne d’autres nouvelles du monde, pus intime celui-ci, et bouleverse. Julie Nioche, ce soir de première, a pris la parole après les saluts demandant à l’assistance de faire un geste : se donner simplement la main. Dans la salle, un frisson reliait les corps et les âmes. La danse avait gagné la partie.
Dans un festival qui risque de compter les échecs côté théâtre, comme d’autres les lucioles disparues, les chorégraphes, bien qu’en périphérie de la programmation, ont su unir leurs forces. Qu’on les entende. Alors, Avignon 2015 entrera définitivement dans la danse.
Philippe Noisette
I AM, conception Lemi Ponifasio jusqu’au 23 juillet Cour d’honneur du Palais des papes
Matter, conception Julie Nioche jusqu’au 27 juillet Théâtre Benoît-XII
Festival d’Avignon jusqu’au 27 juillet
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