Dans une admirable composition de théâtre musical, « An Old Monk » convoque le jazz de Thelonious Monk pour évoquer avec un humour délicieux les aléas de la condition humaine.
Ils entrent en scène, lui et son corps. Josse De Pauw danse, bouge sur la musique. Il chante et parle, parle et chante. Appelle : « Nelly ! Nelly ! Nelly ! » Allusion à Nelly, compagne de Thelonious Monk, tandis qu’au piano Kris Defoort joue des passages de Crepuscule with Nelly. On pense aux images filmées de Monk tournant sur lui-même tel un derviche. Encore une fois la danse et le corps au centre. Mais le corps, ce salaud, n’est pas toujours au rendez-vous. Il pèse. Joue de mauvais tour. Surtout quand on est entré dans les eaux de la cinquantaine, comme c’est le cas de Josse De Pauw, qui met en scène avec une tendre ironie les défaillances de la carcasse humaine. Le constat est implacable : on n’est plus ce qu’on était, mais il faut continuer.
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« Savoir sans amertume quitter ce qui nous quitte«
La musique de Monk conjugue mélancolie et légèreté. Une grâce qui ferait presque oublier ce corps encombrant ; sauf qu’on n’en a qu’un et qu’il faut bien faire avec. Au passage, Josse De Pauw évoque une vaine tentation de devenir moine (« monk » en anglais). Mais il ne se voit pas entrer dans les ordres. Ce qui ne l’empêche pas de considérer avec un brin de nostalgie certains désordres ou excès désormais proscrits par la médecine. « Savoir sans amertume quitter ce qui nous quitte« , notait Witold Gombrowicz dans son journal.
C’est bien de cela qu’il est question dans ce spectacle drôle et truculent où Josse De Pauw fait entonner au public les mots « thrombosis« , « prostatis« , « incontinentia« . Et de projeter des images de lui-même à tous les âges, de l’enfance à aujourd’hui; sauf qu’il s’agit à chaque fois du Josse De Pauw actuel qu’il inscrit ainsi dans des situations dérisoires comme si son corps avait toujours été identique depuis le début. Le blues version Josse De Pauw n’est pas triste. Car chez cet homme à la mélancolie joyeuse, c’est toujours l’humour qui triomphe. Une jolie leçon de vie, sans didactisme et pleine d’entrain, servie par la présence d’un trio de musiciens parfaitement en place dont on peut dire qu’il font corps avec le comédien.
Hugues Le Tanneur
An Old Monk, de et par Josse De Pauw et Kris Defoort, avec Josse De Pauw, Kris Defoort (piano), Lander Gyselinck (percussions), Nicolas Thys (basse électrique).
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