La danseuse et chorégraphe britannique installée à Séville explore les racines de l’art flamenco et interroge l’invisibilité du mouvement.
Je cherche à ne pas être vue, je me cache derrière ce que je crois que la rétine voit, veut croire. Je suis plus à l’abri là, cachée, mais à vue.” Mettant des gestes sur ses mots, Yinka Esi Graves fait de The Disappearing Act. une tentative d’autoportrait protéiforme prenant les contours du camouflage. Cacher pour mieux révéler. Que ce soit sous une coiffe précieuse ou une perruque, sous les couches de maquillage ou à nu.
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Avec cette première pièce, l’interprète flamenca interroge la représentation d’un autre corps, noir, dans le milieu du flamenco ; et tout autant l’invisibilité comme “matière à créer”. Cet acte de renaissance, Yinka Esi Graves le déploie en trois temps. Le spectacle s’ouvre par un grondement, le travail des pieds souligné par la batterie de Remi Graves. Mais, déjouant le “folklore”, c’est par une calligraphie des bras que la soliste amplifie son flamenco. Parfois suspendue, sa gestuelle s’inscrit dans l’espace du théâtre, comme ce soir-là au Rialto de Valence, en Espagne. Épaules en avant, silhouette dessinée dans la pénombre, Yinka Esi Graves ose l’arrêt sur image. Peut-être celle de Mademoiselle La La, peinte par Degas – en fait Olga Brown, artiste de cirque d’un autre siècle. The Disappearing Act. multiplie les pistes sans jamais perdre le fil de son histoire.
Cordes frappées, voix déchirantes
Dans une retransmission vidéo en direct, la danseuse, craie en main, improvise une cartographie sur le sol des trajectoires qui pourraient avoir un lien avec le passé colonial. Des traces comme des tentatives de survie. On imagine sans mal la ténacité de cette artiste, passée par la danse classique et afro-cubaine, avant de se dédier au flamenco. The Disappearing Act. serait dès lors un condensé de ses recherches -– Yinka est également diplômée en histoire de l’art. De sa fréquentation de créatrices comme Asha Thomas ou Dorothée Munyaneza, elle a gardé une manière d’être au plateau, diluant sa présence sous différentes personnalités. Jusqu’à cette séance de maquillage, qui la voit endosser encore une autre vie. Le flamenco est ici frotté à d’autres diasporas, d’autres récits. Sublimé, en fait. Ce qu’apportent le guitariste Raúl Cantizano et la chanteuse Rosa de Algeciras à The Disappearing Act. est indéniable. Cordes frappées, voix déchirantes, ce cri est tout entier celui de la résistance. Yinka Esi Graves n’a plus à (se) cacher. Acte majeur.
The Disappearing Act., conception, mise en scène et chorégraphie Yinka Esi Graves, dans la cour du lycée Saint-Joseph, du 18 au 21 juillet à 22 h.
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