En parallèle de son cycle mensuel au Centre Pompidou qui s’achèvera en novembre, l’auteur expose à l’Abbaye d’Ardenne, près de Caen, sa foisonnante collection. Ce véritable cabinet de curiosités regroupe des images, des anecdotes et des objets en lien avec la guerre.
En démarrant en septembre 2008 son projet baroque d’Encyclopédie des guerres au Centre Pompidou – où chaque mois, il s’attarde en public sur un motif précis (“armure, gravats, boum, pont, père, orientation, explosifs”…) –, Jean-Yves Jouannais ne pressentait peut-être pas combien son attraction confuse pour le sujet résonnerait autant dans l’époque quinze ans plus tard, avec la réactivation de la peur qu’elle suscite, de l’Ukraine à Gaza…
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Quoi qu’il en dise, son projet traduit, dans son étrangeté même, l’état d’une inquiétude collective. Certes, les guerres d’aujourd’hui n’entrent pas dans son cadre de recherche, qui lui-même ne vise en aucune manière à proposer une analyse historique ou géopolitique de ses éclats. L’auteur d’Artistes sans œuvres : I Would Prefer Not To ou de L’Idiotie : Art, vie, politique-méthode a toujours expliqué que la finalité de cette Encyclopédie n’était pas de commenter le phénomène de la guerre, mais “d’expliquer à [lui]-même en quoi ce sujet [l]e concerne”.
C’est en pur amateur, en écrivain, “ou plus précisément en personnage de roman”, qu’il a construit un projet tenant plus de l’art brut que de la recherche universitaire, du bricolage que de la thèse savante, de la candeur que de l’expertise. Collectionnant au fil de ses lectures, “des bribes de phrases, des termes, des images, des légendes, des anecdotes”, Jean-Yves Jouannais les a réunis durant toutes ces années en un foisonnant cabinet de curiosités “qui prend naturellement la forme d’une encyclopédie”.
Vingt ans consacrés à une obsession
Il l’expose aujourd’hui à l’Abbaye d’Ardenne, près de Caen, pour l’Institut mémoires de l’édition contemporaine (Imec), avant d’achever son cycle le 7 novembre prochain au Centre Pompidou dans une ultime séance. Son armistice à lui. Son retour à la paix, après vingt années consacrées à faire de son obsession l’objet d’une fabulation, d’un “butinage”, parmi des ouvrages dont la guerre “est à la fois l’autrice et la conductrice”.
En constituant ainsi des boîtes d’archives, consignant tout ce qu’il a trouvé au hasard de ses lectures (lettres, carnets de guerre, cartes, photographies, fiches de mobilisation…), à la manière des capsules temporelles de Warhol, Jean-Yves Jouannais confesse qu’il ne cherchait rien, qu’il n’avait besoin de rien, “si ce n’était de textes et d’images qu[‘il] ne désirai[t] pas choisir”. La guerre le rattrapait, comme elle rattrape les peuples, comme elle traverse la littérature, tant il est vrai qu’il n’existe aucun livre qui ne soit pas “de guerre”.
En réunissant durant toutes ces années les éclats qui dessinent “le pop-up d’une encyclopédie”, Jean-Yves Jouannais éclaire “le lien, plus ou moins inconscient”, que chacun·e d’entre nous entretient avec la guerre, “sinon dans sa chair, du moins dans sa généalogie”. Dans son futur aussi, puisque la guerre, que l’auteur laisse enfin derrière lui, n’est pas prête pour son éclipse.
L’Encyclopédie des guerres, Abbaye d’Ardenne, Saint-Germain-la-Blanche-Herbe, jusqu’au 11 novembre 2024.
L’Encyclopédie des guerres : Obsession, fabulation, enquête, de Jean-Yves Jouannais (éditions de l’Imec), 216 p., 35 euros. En librairie.
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