Présenté dans le cadre de la Biennale des écritures du réel 2022 à Marseille, le spectacle de Gérard Watkins cerne sans fard la question de la violence conjugale, des deux côtés de la lorgnette : victimes et bourreaux.
Scènes de violences conjugales : le choix du titre, variation sur le film d’Ingmar Bergman et le mot “vie” remplacé par celui de violence, dit d’emblée la teneur du projet de Gérard Watkins. Répondre à un constat terrifiant : “Une femme meurt tous les trois jours suite aux coups portés par un homme.” Et en découdre théâtralement en cherchant à cerner et à comprendre “la violence faite aux femmes. Violences physiques, psychologiques, sexuelles, économiques, administratives et sociales. Une pratique héritée du droit du plus fort qui perdure au moment où la femme revendique sa juste place, équitable, au sein d’une société où la domination masculine est toujours prégnante”.
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Pour autant, son spectacle ne relève jamais du théâtre documentaire. Il s’agit, comme toujours avec Gérard Watkins, d’une écriture de plateau et dramaturgique née d’improvisations avec ses acteur·trices, menées en parallèle de leurs rencontres avec différent·es membres actif·ves de la société civile et publique en lutte pour enrayer la violence. De l’Observatoire de la violence envers les femmes du 93, en Seine-Saint-Denis, à Françoise Guyot, vice-procureure, chargée de mission auprès du procureur de la République pour les affaires de violences conjugales, et des stages de sensibilisation pour des hommes ayant commis des actes d’agression aux échanges avec la victimologue Azucena Chavez, cette immersion dans le réel donne son armature au spectacle qui se penche sur la genèse du passage à l’acte violent, fait ressentir l’état de sidération des victimes, tout en laissant voir une possible libération de la violence subie ou donnée.
États des corps
La scénographie minimaliste, constituée d’un lit conjugal placé en avant-scène que prolonge une estrade triangulaire, surmontée par la batterie de la musicienne Yuko Oshima, tient plus de l’installation performative que d’un décor de théâtre. Un espace vide apte à prendre en charge les histoires si ressemblantes de ces deux couples si différents que forment d’un côté Rachida, d’origine algérienne ayant fui un père violent, et Liam, issu d’un milieu provincial et populaire ; et de l’autre, Annie, mère de deux enfants de deux pères différents, et Pascal, photographe, appartenant respectivement à la classe moyenne et bourgeoise et qui se rencontrent au mitan de leur vie. Un refus du naturalisme que renforce encore la présence en permanence des interprètes qui jouent les deux couples sur le plateau, tous formidables et d’un engagement dans leur personnage qui force le respect, les un·es observant les autres en silence. Tout repose sur la justesse des émotions et des états de corps, socle vibrant des mots pour le dire. C’est l’essentiel.
Biennale des écritures du réel du Théâtre la Cité, à Marseille du 16 mars au 12 juin.
Prochains rendez-vous : Atout genre(s), mise en scène Carole Errante, 31 mars et 1er avril. Suivre quelqu’un, une création de Laurent de Richemond et Stéphanie Louit, les 1er et 2 avril. Une soirée avec Frédérique Lecomte le 4 avril avec le spectacle Le Cabaret de la Madone et le film Congo Paradiso.
Scènes de violences conjugales, un spectacle de Gérard Watkins – Perdita Ensemble. Avec Hayet Darwich, Julie Denisse, David Gouhier, Maxime Lévêque, Yuko Oshima. Au 11 d’Avignon, du 7 au 29 juillet (relâche les 11, 19 et 26 juillet).
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