Décryptant l’engrenage des violences morales et physiques vécues par une femme, le collectif parisien lève le voile sur les coulisses de la vie d’un couple.
140 BPM pulsent dans la sono quand leurs regards se croisent au cours d’une rave party. L’illusion romantique du coup de foudre préside à la rencontre entre ces deux-là. Avec Poings de Pauline Peyrade, le collectif Das Plateau questionne la violence des rapports de force entre amant·es pour dénoncer la nature prédatrice du masculin et une condition victimaire qui se conjugue invariablement au féminin. “Construite en cinq tableaux, la pièce juxtapose les lieux et les dispositifs formels, précisent les membres du collectif. Il y a quelque chose de cubiste dans cette construction qui semble tourner autour de son sujet pour en faire percevoir, partie après partie, transformation après transformation, l’ensemble de ses implications.”
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Le piège se referme insidieusement sur la jeune femme avec la pratique d’une vie en couple déclinant la palette de ses asservissements, de l’infantilisation permanente au viol conjugal. “La représentation au plateau du viol en tant que trauma, c’est-à-dire en tant qu’expérience perceptive et psychique puissante de dissociation de soi-même et de métamorphose de la réalité, est au cœur de notre projet.”
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Céder n’est pas consentir
Cadrant la pièce dans les effets de miroir d’un dispositif panoptique où la vidéo démultiplie en live les corps des deux protagonistes, la représentation s’inscrit dans l’espace mental de la sidération à travers une approche sensible, attentive à la prise en compte des moindres détails. “Là encore, c’est notre dispositif visuel (qui permettra de modifier la réalité observée) et notre dispositif sonore (qui permettra de dissocier, de démultiplier les voix) qui auront en charge de rendre perceptible la force et le trouble de cette expérience. Nous vivons tous avec nos projections oniriques et nos fantômes, mais ces réalités psychiques sont si peu formulées, qu’il s’agira, avec Poings, de les laisser s’exprimer, de laisser ces distorsions de la réalité, à la fois violentes et communes, apparaître pleinement.”
Céder n’est pas consentir. Quand l’insupportable étouffoir du mâle s’impose en normalité du quotidien, l’échappatoire ne peut se réduire au repli dans un monde intérieur. Ce temps arrêté de l’introspection est celui d’une dévoration où la femme hésite entre laisser faire et réagir, une croisée des chemins où elle doit puiser au plus profond d’elle-même pour oser s’exfiltrer dans un ultime sursaut de conscience d’une existence devenue tunnel d’humiliations.
Aussi politique que salutaire, Poings documente l’urgence vitale d’éclater la bulle des intimités toxiques en accompagnant l’évasion de son héroïne jusqu’au seuil de sa reconstruction.
Poings de Pauline Peyrade par le collectif Das Plateau, mise en scène Céleste Germe, avec Maëlys Ricordeau et Antoine Oppeneheim. Du 13 au 16 octobre, Théâtre du Nord-CDN, Salle de l’Idéal, Tourcoing.
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