Un monde s’écroule dans “Grand Palais” quand le peintre apprend le suicide de son amant et modèle alors qu’il organise la rétrospective parisienne de son œuvre.
Reprenant les principes de la camera obscura chère aux artistes de la Renaissance, la scénographie de Grand Palais s’apparente à une chambre noire qui se transforme en chambre d’écho pour mettre en perspective l’œuvre de Francis Bacon et ses sources d’inspiration, en les confrontant à la ligne de faille d’un réel tragique qui s’ouvre sur le mythe de la descente d’Orphée aux enfers.
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En octobre 1971, Paris rend hommage au peintre à travers une prestigieuse rétrospective de son œuvre sous les verrières du Grand Palais. Ce moment de reconnaissance coïncide avec un effondrement de sa vie intime, George Dyer, son amant et modèle s’est suicidé dans leur chambre d’hôtel deux jours avant le vernissage : ”Il s’est donné la mort et rien ne le fera revenir, confie l’artiste. Si j’étais resté auprès de lui au lieu d’aller à l’exposition, il serait encore là. Mais je suis parti et il est mort.”
Descente aux enfers
Pour témoigner à quatre mains de ce chaos d’émotions contradictoires, les deux auteurs ont décidé de se partager la partition. Julien Gaillard nous plonge dans l’intime tourmenté des pensées de Bacon incarné par Arthur Nauzyciel, Frédéric Vossier réactive avec d’autres mots la présence fantomatique de Dyer interprété par Vincent Dissez. Ce collage de deux langues fabrique un dialogue hétérogène entre l’artiste au sommet et l’amant-voyou ayant passé une grande partie de sa vie en prison. La pièce s’apparente alors à une descente aux enfers revisitant le mythe d’Orphée partant à la recherche de son Eurydice à travers un territoire de jeu divisé en trois séquences. À l’avant-scène, sur un sol de pierres rougeoyantes comme un tapis de braises, Arthur Nauzyciel (Francis Bacon) témoigne de la violence assourdissante de ce moment de souffrance. L’au-delà du plateau est le royaume de Vincent Dissez (George Dyer) qui, dans un jeu de postures fantomatiques fait jaillir des toiles l’être humain qu’elles représentent désormais pour l’éternité. Cantonné derrière la frontière transparente d’un couloir de voile tendu entre ces deux espaces, Guillaume Costanza incarne les personnages légendaires des tragédies grecques.
Dans les fameux “triptyques noirs”, Francis Bacon continuera à peindre son amant longtemps après sa mort. Avec trois comédiens habités, Pascal Kirsch mise avec justesse sur la poésie désespérée de ce moment de bascule vers un deuil impossible.
Grand Palais de Julien Gaillard et Frédéric Vossier, mise en scène Pascal Kirsch, avec Guillaume Costanza, Vincent Dissez et Arthur Nauzyciel.
Du 10 au 16 mars, Théâtre national de Strasbourg.
En tournée : Le 9 novembre, Espace Marcel Carné, Saint-Michel-sur-Orge. Du 15 au 18 novembre, Théâtre national de Bretagne, Rennes. Les 23 et 24 novembre, Comédie de Béthune, Centre dramatique national des Hauts-de-France.
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