Avec Auguri, Olivier Dubois revient à la démesure . Nous avions rencontré le chorégraphe quand il répétait avec ses vingt-deux danseurs pour ce spectacle d’une folle intensité physique et poétique.
En ce mois d’août, Olivier Dubois est comme chez lui au Kampnagel, une ancienne usine de Hambourg transformée en lieu culturel. Le chorégraphe français et son Ballet du Nord y font l’ouverture du Sommerfestival. Depuis le succès de Tragédie, les appels de l’étranger se font pressants.
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Pourtant, la compagnie a eu toutes les peines à boucler cette production repoussée d’année en année. En Allemagne, Dubois a pu obtenir trois semaines de présence sur le grand plateau et peut compter sur une équipe technique aux petits soins.
Une certaine idée du devoir d’un artiste
A quelques heures de la générale d’Auguri, Dubois semble étrangement calme. L’attente suscitée par Tragédie lui pèse-t-elle ? “Se réinventer à chaque pièce, je n’y crois pas. On pose une pierre supplémentaire. Au commencement de Tragédie, il y avait le ‘fantôme’ du Sacre que je venais de signer. C’est un peu la même chose cette fois. Chaque pièce en engendre une autre. Est-ce que cela va plaire ? Ce n’est pas mon problème.”
Olivier Dubois est cash et a une certaine idée du devoir d’un artiste. Il s’était retrouvé avec 1300 personnes venues auditionner en amont de Tragédie. Il a préféré enrôler des interprètes croisés ici ou là.
“Il y a un désir de troupe que je questionne avec ‘Auguri” Olivier Dubois
Besoin de ce rapport de fidélité ? “Il y a un désir de troupe que je questionne avec Auguri. Cette création “ne s’est pas livrée facilement”. Toute la confiance partagée de ce groupe fut nécessaire pour mener à bien ce voyage.
Il y a des raisons physiques tout d’abord, les danseurs s’adonnant à la course sur le plateau la majeure partie du temps. Pour Dubois, il ne s’agissait pas de gagner des secondes mais plutôt d’abandon. Résultat : le lendemain d’une première séance de travail, “90 % du groupe étaient au lit, ils ne pouvaient plus bouger !”
Protocole de préparation et d’alimentation
Olivier Dubois comprend qu’il faut les préparer et se tourne vers un entraîneur d’athlétisme réputé, Alain Lignier. Lequel, de prime abord, ne saisit pas la demande. “Je lui ai montré des images de Tragédie, qui est une pièce assez physique. Alain m’a demandé combien de temps les solistes étaient sur scène. Trente minutes. Il a alors compris.”
Lignier imagine un protocole de préparation et d’alimentation pour permettre à la bande de tenir. Auguri peut désormais s’élancer. Une chorégraphie où tout est écrit, “même si à aucun moment je n’ai touché à leur façon de bouger ou de courir”.
Comme souvent, Olivier Dubois est parti de textes, ici De la nature des choses, de Lucrèce. Puis il a lu sur l’atome, le bonheur, avec notamment les écrits d’Alain Badiou. “Ce n’est pas seulement une question de savoir mais un dialogue pour continuer à fouiller encore. Jusqu’à arriver à une forme poétique.”
L’humanité, sa perte, son renouveau
Dans Auguri, celle-ci épouse une quête éperdue, quelque chose qui aurait à voir avec l’humanité, sa perte, son renouveau. Il y a des courses folles qui se finissent parfois en carambolages sur le plateau, mais aussi des apparitions.
On pense aux trajectoires des oiseaux comme à la représentation de l’ADN “et ses chaînons qui s’imbriquent. Durant le processus de création, aucune proposition n’a de valeur jusqu’à la première. Mais 85% des idées sont finalement restées.”
Pour l’accompagner dans cette aventure, des fidèles comme le compositeur François Caffenne ou l’éclairagiste Patrick Riou. Une garde rapprochée au diapason des préoccupations du créateur.
Sur scène, on reconnaît sans mal la flamboyante Karine Girard à ses cheveux rouges, ou Sébastien Perrault. “J’ai le besoin de ce dont ils sont faits. Il y a un lien tissé au fil des précédentes rencontres et qui va encore s’épaissir”.
“On est prêt à toutes les blessures”
Les répétitions reprennent, avec leur lot de courses, d’impacts, de portés à toute allure. Olivier Dubois n’a pas oublié qu’il est danseur et montre ce qu’il a en tête lorsque la parole ne suffit pas. Le lendemain, on constatera des changements, imperceptibles ou plus affirmés.
On devine que le résultat, soir après soir, pourra dépendre de la forme des uns et des autres. “On est prêt à toutes les blessures”, confesse l’artiste. Conscient d’un point de rupture au-delà duquel il ne veut pas se risquer.
Entre Tragédie et Auguri, qui forment une trilogie avec Révolution, Olivier Dubois n’a pas cessé de produire, travaillant en Egypte, acceptant une commande du Ballet de Marseille, croisant des amateurs ou Germaine Acogny, son “élue noire”. Il devrait collaborer avec le Ballet royal de Suède.
Ce n’est pas trop : “Je suis de la famille des mélancoliques. J’ai cette bile noire et je dois m’en débarrasser en créant.” Il quittera le Centre chorégraphique national de Roubaix en 2017, échaudé par cette aventure et les politiques locales.
Il pense que ces structures sont en danger et déplore un abandon de la politique de création. En attendant, il va retrouver avec Auguri le frisson des tournées. Olivier Dubois est un homme pressé.
Auguri, conception Olivier Dubois, du 22 au 24 mars au Théâtre national de Chaillot, Paris XVIe
Biennale de la danse de Lyon du 14 au 30 septembre,
https://www.youtube.com/watch?v=uk0R4vP_Wb8
Auguri, 22,23,24 septembre
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