Le metteur en scène suisse allemand et son alter ego, l’acteur Graham F. Valentine, s’amusent des folies d’un cabaret surréaliste en champions du théâtre de l’absurde.
Prétendre résumer Aucune idée est peine perdue. D’autant qu’avec cette dernière création, Christoph Marthaler se revendique d’une œuvre n’ayant ni queue ni tête. Pour donner un aperçu de l’humour, promu en fil rouge de l’exercice, du metteur en scène suisse allemand, il suffit de dévoiler le pitch d’une des saynètes qui composent le spectacle, partie émergée d’un iceberg de non-sens à déguster telle une crème glacée – sans omettre d’en croquer le cornet.
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Misons sur les dialogues de la courte pièce de l’auteur allemand Kurt Kusenberg (1904-1983) qui figure l’un des moments forts de la soirée… Un cambrioleur sonne à la porte d’un appartement où il compte perpétrer ses forfaits pour demander au propriétaire de le laisser entrer au prétexte qu’il n’a pas le courage de grimper par la façade afin de passer par le balcon.
Sur la scène du Théâtre Vidy-Lausanne où nous découvrons Aucune idée, le plus déjanté des imaginaires compose avec la banalité du quotidien dans le décor sans grâce d’un hall d’immeuble où l’on devine le local à poubelles derrière les inévitables boîtes aux lettres…
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Cadavre exquis
L’espace distribue une poignée d’appartements. En guise de trois coups, Christoph Marthaler ne résiste pas au plaisir d’imaginer une furieuse sarabande entre des portes palières claquant sans répit. Autant de coups de semonce qui annoncent la suite des festivités dans un clin d’œil au vaudeville et à ses situations surréalistes.
Au programme, des textes de Walter Abish, Henri Michaux, Georges Perec, Edith Sitwell ou Rosmarie Waldrop. Parcourant une gamme musicale allant de Richard Wagner à Franz Schubert en passant par Léo Ferré et une chanson folklorique irlandaise, le joyeux cadavre exquis se revendique du fameux Cabaret Voltaire, creuset du mouvement Dada né à Zurich au début du XXe siècle.
Complices des plateaux depuis une adolescence passée dans cette même ville, Christoph Marthaler et l’acteur d’origine écossaise Graham F. Valentine renouent avec les frasques poétiques de leur jeunesse en s’associant ici avec un autre Zurichois, le joueur de viole de gambe et violoncelliste baroque Martin Zeller.
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Cette triplette de Zurich se réclame d’un absurde qui ne connaît pas de bornes pour provoquer les rires. On reste ébahi par l’aisance avec laquelle Graham F. Valentine s’acquitte de l’impossible épreuve de diction du délirant monologue Ribble Bobble Pimlico de Kurt Schwitters (1887-1948) tout autant que de sa capacité à incarner la figure d’un pitre au sérieux impayable, à l’égal des comiques des débuts du cinéma. Qui a dit que ce spectacle avait été conçu sans aucune idée ?
Aucune idée conception et mise en scène Christoph Marthaler, avec lui-même, Graham F. Valentine et Martin Zeller, en anglais, allemand et français surtitré en français. Du 1er au 14 novembre, dans le cadre du Festival d’Automne à Paris, Théâtre de la Ville-Les Abbesses, Paris. En tournée en France, Suisse et Belgique jusqu’en mai 2022.
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