Avec Stadium, Mohamed El Khatib inverse la perspective et braque les projecteurs sur les supporters. Plus précisément sur ceux du RC Lens, qui confessent ici un amour sans failles pour leur club de foot.
Confronter le public du football à celui du théâtre. Découvrant un article de L’Equipe dans lequel les supporters du Racing Club de Lens étaient qualifiés de “meilleur public de France”, Mohamed El Khatib a l’idée de Stadium, un spectacle où les héros de la soirée ne sont ni des joueurs, ni des acteurs mais ceux qui les regardent.
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Cet improbable rendez-vous entre fans du ballon rond et amateurs de dramaturgie s’ouvre sur le solo d’un trompettiste. Symbole qu’il suffit d’un peu d’humour pour rendre l’accord entre ces deux mondes possible, le fameux jingle de Maurice Jarre annonçant le début des spectacles du Festival d’Avignon s’hybride bientôt des rythmiques de l’incontournable En er mundo, le paso doble de Juan Quintero Muñoz dont les olés enflamment les gradins des stades.
Un arbitre, un prêtre et un élu
Dès l’enfance et bien avant sa découverte du théâtre, Mohamed El Khatib pratique le football à haut niveau en intégrant l’équipe de France junior. Avec Stadium, il relève le gant de laver l’honneur des supporters des “sang et or” en leur offrant un droit de réponse sur son plateau.
Faut-il rappeler l’épisode désolant de cette banderole déployée en 2008 dans une tribune du Stade de France où les Parisiens franchissaient la ligne de touche de l’obscène en affichant “Pédophiles, chômeurs, consanguins, bienvenue chez les Ch’tis”, suivie de cette autre dépliée en forme d’excuses lors du match suivant : “Désolés, on ne savait pas que vous saviez lire.”
Respectueuse du chronométrage, la pièce se joue en deux périodes de quarante-cinq minutes. Il suffit d’un gradin courant sur la largeur de la scène pour planter le décor. Devenue raison de vivre des supporters, leur fidélité au stade Bollaert va bien au-delà de l’espoir de voir leur équipe accéder au Graal de la Ligue 1.
Un théâtre de vraies gens
Pour mettre des visages sur cette foule, Mohamed El Khatib convoque un arbitre, un prêtre et un élu tout autant qu’un représentant des Ultras et le président du kop sang et or. Chaque prise de parole raconte l’intime d’un engagement.
Mais, c’est le clan des Dupuis qui emporte la coupe de l’adhésion sans faille. Réunissant la quarantaine de ses membres autour de leur grand-mère Yvette, qui vient de fêter ses 85 ans, cette famille sous influence ne vibre qu’à travers le culte qu’elle voue au RC Lens.
A la mi-temps, une baraque à frites s’ouvre sur le plateau pour permettre à chacun de boire et de se restaurer sans sortir de la salle. D’un défilé de pom-pom girls à une réunion de mascottes, tout concourt à l’éloge d’une convivialité débarrassée des avatars haineux des guerres entre clubs. La générosité de cette humanité mise à nu gagne la partie. Patrick Sourd
Stadium de Mohamed El Khatib, conception et réalisation de l’auteur et Frédéric Hocké, du 27 septembre au 7 octobre, La Colline-Théâtre national, Paris XXe, avec le Théâtre de la Ville, dans le cadre du Festival d’Automne à Paris, puis en tournée
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