Laëtitia Guédon dissèque la puissance féminine à travers la figure de Penthésilée, reine des Amazones et héroïne méconnue de la guerre de Troie. Un voyage onirique au plus profond de soi.
C’est dans le cadre merveilleux de La Chartreuse que se déploie la pièce de Laëtitia Guédon, à quelque 5 kilomètres du centre d’Avignon. Chants de cigales et nature sont omniprésents sous le soleil cuisant d’Occitanie. La salle obscure aux fauteuils en velour fait passer le public dans un autre monde. Celui de l’inconscient. De la rêverie. Des sombres cauchemars, aussi. La scène est plongée dans la pénombre. Un écran de fumée tapisse le mur du fond. À la droite de la scène, une estrade ornée de bougies. Un décor mystique pour un spectacle à la thématique mythologique.
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Penthésilée réinventée
Tout débute à la mort de Penthésilée, tuée par Achille sur le champ de bataille. Reine de la tribu guerrière exclusivement féminine des Amazones, sa chute ne signifie pas sa défaite, mais plutôt “une victoire des corps de femmes qui se lèvent partout au cœur de nos cités”, déclame-t-elle. La pièce commence par les bruits de gorge, les râles d’une des interprètes de Penthésilé·e·s, Marie-Pascale Dubé. La metteuse en scène Laëtitia Guédon aime à dire qu’un “dieu danse en elle”, formule d’Euripide qui permet d’approcher la substance de ce langage singulier. Sur l’écran, des mots se succèdent.
La seconde Penthésilé·e·s, incarnée par la remarquable Lorry Hardel, dialogue avec Achille. Bientôt, il se soumettra lui-même à la reine Amazone, deviendra un être hybride, une troisième Penthésilé·e·s entre homme, femme et animal. Au fil du spectacle, la scène s’éclaire, devient le théâtre d’une pleine révélation de la parole et du corps de l’héroïne. Le chant des Amazones, interprété par Sonia Bonny, Juliette Boudet, Lucile Pouthier et Mathilde de Carné, prend de plus en plus de place, incarnation des générations futures de femmes puissantes. “Une transformation nécessaire, vitale.”
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On a affaire à une pièce tout en ombre et lumière, incarnation de la vie et de la mort. Un objet polymorphe entre théâtre, chant, danse et vidéo. La plume acérée de Marie Dilasser, qui a écrit le texte. amène une profondeur et une réflexion contemporaines sur la puissance. Entre tradition et modernité, le texte met en abîme les contradictions propres à notre époque, dénonce, accuse. La société, l’inégalité terrifiante entre hommes et femmes, la violence, le sexisme. Avec une pointe d’humour acerbe et une justesse froide.
Laëtitia Guédon laisse la place à chacun·e de co-créer l’œuvre. Chaque membre de l’équipe amène son bagage et enrichit le texte de son expérience et de ses connaissances, Marie-Pascale Dubé de ses chants de gorge inuits, Seydou Boro de son expérimentation chorégraphique sur la figure du cheval.
Un manifeste brillant et une ode à la puissance qui inonde la salle. “Pour moi, toutes les femmes sont des Amazones, confie la metteuse en scène le sourire aux lèvres, qu’elles en soient conscientes ou pas.”
Penthésilé·e·s, Amazonomachie. Mise en scène et conception par Laetitia Guédon, texte de Marie Dilasser.
Dates de tournée :
17 et 18 novembre 2021 : Théâtre des Îlets CDN de Montluçon
23 et 24 novembre 2021 : Comédie de Colmar – CDN Grand Est Alsace
30 novembre au 2 décembre 2021 : Comédie de Caen – CDN de Normandie
14 au 16 décembre 2021 : MAC de Créteil – Scène Nationale
13 janvier 2022 : La Faïencerie – Scène conventionnée de Creil
28 et 29 janvier 2022 : Tropiques Atrium Scène nationale de Martinique
4 et 5 février 2022 : L’Artchipel Scène nationale de la Guadeloupe
6 au 22 mai 2022 : Théâtre de la Tempête – Paris
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