Le chorégraphe propose une mise en mouvement d’Atys au plus près de la tragédie.
Les noces de la danse et de l’opéra ont, bien souvent, le goût des mariages arrangés. On compte sur le bout des doigts les réussites, à commencer par L’Orfeo de Trisha Brown ou, plus récemment, Cosi fan tutte dans la version d’Anne Teresa De Keersmaeker.
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Autant dire que cet Atys arrivé de Genève et mis en scène par le chorégraphe Angelin Preljocaj était attendu. La tragédie lyrique de Jean-Baptiste Lully sur un livret de Philippe Quinault n’a été montée que deux fois en France, à sa création (en 1676 tout de même !), puis en 1987 par le tandem Jean-Marie Villégier et le chef William Christie. Preljocaj ajoute désormais son nom à cette prestigieuse filiation – et signe dans la foulée sa première création d’opéra.
Un Atys intemporel
Atys, c’est un destin, tragique comme il se doit. Il sait dès le départ qu’il va mourir. Mais pas encore qu’il finira transformé en pin. Sangaride va connaître pareil destin. Les amoureux ont trois heures en scène pour s’aimer, se méprendre, puis espérer se retrouver dans un au-delà mythique. La jalousie de Cybèle sert de ressort dramatique. Les Métamorphoses d’Ovide trouvent, ici, un écho en musique. Dans le prologue, abrégé, la troupe en “civil“ toise le public. Avant d’endosser les superbes costumes de Jeanne Vicérial. Armure tressée, plissé savant, coiffe d’inspiration japonaise, la créatrice déjoue les attentes. Idem pour le décor de Prune Nourry, mur fissuré et forêt de racines XXL. Le mouvement se faufile dans ces interstices comme dans la partition : citation baroque, vague de bras, passage au sol, Angelin Preljocaj ne cesse de déployer une palette changeante.
Chaque chanteur est également un danseur, parfois dédoublé par un interprète du Ballet du Grand Théâtre de Genève. L’effet de mouvement quasi perpétuel est superbe. À ce petit jeu, l’Atys du ténor américain Matthew Newlin est magistral. Il a grâce et présence, amoureux éperdu jusque dans le songe. Lorsqu’au final, comme crucifié, il s’élève, le cœur saignant dans l’habit griffé Vicérial, Newlin nous tire des larmes. L’œuvre en elle-même n’est pas exempte de longueurs. Dans ces instants-là, la mise en scène est moins incisive. Mais cet Atys, noir et profond, est d’ores et déjà intemporel.
À la tête de la Cappella Mediterranea, le chef Leonardo García Alarcón sublime la musique de Lully. Il est dit qu’Atys était l’opéra favori de Louis XIV. Angelin Preljocaj, avec intelligence, relègue les fastes d’époque en arrière-plan. Son Atys est prêt au sacrifice car il a un idéal. Ce n’est pas Roméo, pas plus que Onéguine. Mais un être tout de sentiments. Human after all. Pour sa prochaine aventure, un ballet titré Mythologies, Angelin Preljocaj fera équipe avec Thomas Bangalter. Une suite royale.
Atys de Jean-Baptiste Lully, mise en scène Angelin Preljocaj, direction Leonardo García Alarcón. Opéra Royal de Versailles, 22 et 23 mars. Exposition Jeanne Vicérial, Présences, Galerie Templon Bruxelles jusqu’au 13 avril.
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