Les collectifs iconoclastes tg STAN et Dood Paart s’attaquent à Art, le monument théâtral de Yasmina Reza. Une critique en règle de l’art contemporain.
Comme des forains s’apprêtant à installer leur étal sur une place de marché, c’est par une rampe depuis les coulisses que trois acteurs à la manœuvre font une entrée mouvementée consistant à garer leur remorque à décor – immatriculée en Belgique – sur le plateau de la cage de scène peinte en noir du Théâtre de la Bastille.
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Faisant feu de tout bois, nos lascars utilisent la bâche de protection pour délimiter l’aire de jeu, et des projecteurs de chantier sur pieds suffisent à les éclairer. Tandis qu’ils discutent et nous prennent à témoin, on en arrive bientôt au déballage de la caisse de bois qui contient l’objet du conflit opposant les protagonistes de la pièce Art de Yasmina Reza : un tableau de 1,60 m par 1,20 m entièrement peint en blanc. Le diable étant dans les détails, la fameuse toile achetée vingt briques n’est ici rien d’autre qu’un grand carton de déménagement mis à plat, dont l’une des faces est couverte d’un enduit blanc.
Des déconstructeurs du théâtre
Ce hit théâtral planétaire fut créé en 1994, avec Pierre Vaneck, Pierre Arditi et Fabrice Luchini, dans une mise en scène de Patrice Kerbrat. Pour le revisiter, le trio d’acteurs flamands, réunissant Kuno Bakker, Gillis Biesheuvel et Franck Vercruyssen, sortent la pièce de son salon bourgeois et nous la livrent dans l’habituelle bonne franquette qui caractérise leur approche des auteurs.
Copieusement caviardée, avec l’accord exceptionnel de l’auteure, le sort qu’ils font à Art s’avère aussi éclairant que tordant. Appliquant sur l’œuvre ce regard conceptuel qui a fait leur renommée, en les classant parmi les déconstructeurs du théâtre, ils savonnent en permanence la planche de son contenu critique sur l’art contemporain, en inscrivant leur dispute dans une proposition qui reprend tous les codes qu’elle dénonce. Cette vision d’un serpent qui se mord la queue est une grandiose occasion d’en rire de bon cœur.
Art de Yasmina Reza, mise en scène tg STAN et Dood Paard, avec Kuno Bakker, Gillis Biesheuvel, Frank Vercruyssen, jusqu’au 30 juin, Théâtre de la Bastille, Paris XIe
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