Dans sa nouvelle œuvre, le chorégraphe japonais Ushio Amagatsu convoque l’organique, le clair et l’obscur. Un spectacle néo-butô crépusculaire, histoire de transmission et de renaissance.
Pour beaucoup, Kinkan Shonen (1978) aura été la découverte d’un post-butô d’une beauté tangible. Pour d’autres, Unetsu (1986) reste un horizon indépassable dans le parcours d’Ushio Amagatsu, créateur de la compagnie Sankai Juku. A la fin des années 1970 et au début des années 1980, le public européen découvre ces corps poudrés, cette gestuelle à la lenteur étudiée dans des décors où chaque détail semble avoir un sens nous échappant.
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Le retour du maître du butô
Puis le maître japonais a paru moins inspiré. Amagatsu ne manque pas de recul sur son art, affirmant qu’il ne sait faire qu’un seul genre de chorégraphie. Meguri, en 2015, marquait un retour en forme confirmé par Arc, tout juste créé au Performing Art Center de Kitakyushu, dans le sud-ouest du Japon.
Ce « chemin du jour », sous-titre donné par le créateur, n’est pourtant pas une pièce comme les autres. Ushio Amagatsu, absent de la scène, offre à ses interprètes de différentes générations le premier rôle. Semimaru, figure historique de la compagnie, endosse ainsi la figure de l’éclaireur. Il ouvre Arc main tendue, le temps d’une offrande au ciel dans une scénographie scintillante.
Deux arcs en fond de scène vont marquer les temps de cet opus dont les chapitres racontent une histoire de transmission et de renaissance. On le verra dans ce passage, porté par cinq solistes, les plus jeunes, se déployant tels des végétaux.
Entre tension permanente et continuum apaisé
Ushio Amagatsu sait plus que tout autre créer une danse organique bercée par les éléments. Ici ce sera des vagues de mouvements ou des sauts comme suspendus dans l’espace. Tout le haut du corps est pris dans une tension permanente, bras et buste seulement soulignés d’une jupe, parfois de couleur vive. Arc alterne solo, duo et ensemble dans un continuum apaisé.
Un pas de deux comme un affrontement ou une danse au sol viennent troubler l’ordonnancement. Et si on ne retrouve pas tout à fait l’ardeur de Meguri, force est de constater qu’Ushio Amagatsu a encore des choses à (nous) dire. Au fil des rendez-vous, il a développé une vision singulière, comme des mondes marins ou, cette fois, un crépuscule digne d’un peintre.
Signant lumières et scénographie, le chorégraphe ne laisse à personne le soin de créer ses univers parallèles. A la bande-son, plus ou moins inspirée, d’habiller l’ensemble.
Pour la compagnie, Arc est une épreuve du feu, comme en témoigne la partie « Etendue sereine au-dessus d’un océan de lave ». A l’origine, le butô tenait à distance les formes spectaculaires traditionnelles du Japon autant que la danse occidentale versait dans le geste grotesque, mettant en scène les cycles de la vie et la mort. Chez Amagatsu, la colère s’est adoucie.
Voir une création de Sankai Juku pour la première fois reste néanmoins un choc esthétique majeur. Arc en sera un de plus. Le soir de la première à Kitakyushu, Ushio Amagatsu est venu saluer après ses danseurs. Dans son simple geste, une micro-danse de la main, il paraissait dire à la fois merci et adieu.
Arc – Chemin du jour d’Ushio Amagatsu, avec la compagnie Sankai Juku. Du 29 avril au 4 mai, Théâtre des Champs-Elysées / Théâtre de la Ville hors les murs, Paris VIIIe
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