Cette artiste occupe la Kunsthalle de Bâle avec ses œuvres à base de matières organiques et de produits périssables. Quand les aliens deviennent formes…
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On pourrait commencer par la fin, par le paysage de science-fiction qui prend place dans la toute dernière salle. En silence, trois cellules en plastique gonflable abritent chacune une chose étrange, une sorte d’alien qui semble vivre, croître et évoluer comme un organisme vivant sous une serre. C’est en réalité un amas informe, abject, un mélange inconnu de fleurs desséchées, fixées par de la résine, et de tempura, ces crevettes ou légumes frits de la cuisine japonaise.
On est là dans le laboratoire d’Anicka Yi, artiste américaine d’origine coréenne, née en 1971 à Séoul et figure montante de la nouvelle scène new-yorkaise. Car cette artiste-alchimiste compose son art avec des matières organiques et des produits périssables : lait en poudre, excrétions d’escargot, croquettes pour chien… Pour en arriver là, on aura aussi passé notre tête dans des hublots, pour renifler deux odeurs de l’oubli, Aliens et Alzheimer’s, fabriquées avec un parfumeur français.
Plexiglas, cordes chromées et bactéries
Dans un couloir orné de niches, elle a incrusté des sculptures décoratives, compositions vaguement orientalisantes, faites à partir de savon à la glycérine mélangé à des objets comme des tubes en caoutchouc ou en laiton, Plexiglas, cordes chromées où des bactéries viennent tracer des lignes de couleur. “C’est la signature de l’alchimie technosensuelle d’Anicka Yi, de ses concoctions compliquées d’artificiel et de naturel”, commente la nouvelle directrice artistique de la Kunsthalle Elena Filipovic.
En mars dernier, dans l’espace indépendant The Kitchen, situé au milieu des galeries de Chelsea, elle exposait quatre cabines en plastique, écosystèmes odorants où se mélangeaient sculptures, vêtements et matières organiques. A l’entrée, sous vitrine, une petite fresque de cellules biologiques menait sa vie pathogène : pour la composer, l’artiste a mélangé l’ADN de cent femmes du monde de l’art, virus féministe qu’elle a ensuite confronté à l’odeur régnant dans la puissante galerie new-yorkaise du marchand Larry Gagosian…
Cabines d’essayage devenues tubes à essai
New York oblige, il flottait dans cette petite exposition un air de fashion, quelque chose de modeux, dans les couleurs très années 80, comme ces cabines d’essayage devenues tubes à essai. Tandis qu’à la Kunsthalle de Bâle, dans ce solo-show soutenu par la Fondation Galeries Lafayette, Anicka Yi a épuré son esthétique et l’a débarrassée de ce côté tendance, pour accentuer son emprunt aux formes de l’art.
Dès la première salle, elle a ainsi déposé au sol sept catafalques en Plexiglas coloré, aussi impeccables que les boxes du minimaliste américain Donald Judd. Sauf qu’à l’intérieur gît une masse organique verdâtre, un gel ultrasonique piqué de petites épingles. Dissolution du corps, séances d’acupuncture de l’informe : c’est parti pour un voyage alchimique, où l’on traversera divers états de la matière.
7,070,430K of Digital Spit jusqu’au 16 août à la Kunsthalle Basel, Bâle, Suisse, kunsthallebasel.ch
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