Frédéric Bélier-Garcia sort des sentiers battus en questionnant “Macbeth” à la croisée des chemins entre la pièce de Shakespeare et l’opéra de Verdi.
Ce qui se joue durant la représentation de Macbeth est réduit aux scènes contenues dans l’œuvre de Verdi et son livret est connu pour recentrer l’action sur la figure de Lady Macbeth. Dans la somptueuse traduction d’Yves Bonnefoy, voici donc un théâtre qui se revendique des béances d’un texte lacunaire en se référant à un opéra qu’on honore en le dépouillant de ses chants et de sa musique. La fabrique d’un tel hybride renvoie dos à dos l’amateur de théâtre et le familier de l’art lyrique, elle oblige à porter un regard neuf sur l’œuvre et autorise à reconsidérer les rapports qui régissent le couple formé par Macbeth et sa Lady.
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Dans le décor grandiose d’un palais à l’abandon, Dominique Valadié et Stéphane Roger forment un couple d’autant plus questionnant qu’ils ne se complètent qu’à travers leur dissonance. Inséparables dans le crime, ils assument chacun une folie grandissante qui va les mener toujours plus loin vers le pire. Impossible de justifier la cruauté de leurs actes par les simples motivations que sont l’appât du gain et la soif du pouvoir. Chacun d’eux traverse cette histoire comme un cauchemar et l’énigme de leur parcours forcené nous renvoie très vite à l’intime d’une autre vérité rarement mise en avant dans Macbeth.
Bien avant que la pièce ne commence, les aiguilles du temps se sont arrêtées dans leur course pour Macbeth et sa Lady. Figés pour l’éternité à cette heure qu’on dit entre chien et loup, cette pénombre d’où naissent les monstres s’est cristallisée pour eux autour de l’irréparable injustice de la perte d’un enfant. Qu’importe alors que la roue de la chance se soit remise à tourner et que des sorcières prédisent au couple la plus glorieuse des destinées. Ce tapis rouge qui se déploie devant eux ne sera qu’un prétexte pour débonder dans la haine leur soif de faire payer à autrui l’obscénité du coup du sort qui a ruiné leur vie à jamais.
Montée avec le faste d’un opéra, le spectacle de Frédéric Bélier-Garcia convoque un chœur silencieux qui permet des mouvements de foule. Ces débordements ponctuent comme autant de climax dramatiques l’envahissement du plateau. Leur flux et leur reflux rendent d’autant plus tragique cette solitude à deux que vivent Macbeth et sa Lady. La pièce trace la ligne droite d’un sillon sanglant qui s’accorde à l’hallucinant rituel de deuil qu’ils dédient à l’innocence de leur progéniture disparue. Leur rage meurtrière ne trouvant au final d’apaisement qu’en s’effaçant derrière leur démence, ils accueillent la mort comme une ultime consolation.
La Tragédie de Macbeth d’après William Shakespeare, mise en scène Frédéric Bélier-Garcia. Jusqu’au 23 mars, Le Quai, centre dramatique national, Angers. Du 28 au 30 mars, La Criée, théâtre national de Marseille.
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