Plongée dans les profondeurs de la mélancolie, avec Alex Beaupain à l’Olympia le 20 novembre. On y était, on vous raconte.
Au début, il n’y a que des ombres. Et la voix d’Alex Beaupain qui s’élève, légèrement cassée, pour chanter Ektachrome dans la salle de l’Olympia, à Paris, ce 20 novembre : “J’ai la mémoire Ektachrome / Qui remonte en lambeaux / Comme une passoire polychrome / En lambeaux.” Il a beau chanter l’oubli, le regret des souvenirs qui se perdent dans les méandres retord de la mémoire, l’effet sur le public est inverse. Instantanément, des souvenirs reviennent. Des images, nettes ou embuées, parfois issues de films de Christophe Honoré dont il a composé la musique. Des visages tordus de douleur, défigurés par la tristesse, ou le deuil.
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Les profondeurs de la mélancolie
Alex Beaupain a ce pouvoir évocateur. Ce qu’il raconte dans ses chansons se matérialise en notre for intérieur, par la force du verbe, qui n’est chez lui que douceur. La salle remplie de l’Olympia, plongée dans le noir, plonge aussi dans un océan de mélancolie quand le compositeur enchaîne trois autres titres d’une traite : Grand soir, Les yeux au ciel (chantée par Louis Garrel dans le film Les Chansons d’amour), et Les sirènes. Soit une chanson sur les illusions perdues, une autre sur la perte d’un être cher, et la dernière sur les attentats… Allez vous relever après ça.
Mais Alex Beaupain sait tendre la main à son public quand il faut, avant qu’il ne se noie. Très classe avec sa veste noire et ses baskets blanches, il laisse un temps de respiration après l’apnée profonde de cette introduction. Le sourire au bord des lèvres, il promet 1h30 de concert dans cette tonalité “marron, gris, gris souris à la limite”. Pourtant, loin de l’image d’écorché vif qui pourrait lui coller à la peau, le chanteur qui vient de sortir le sublime Pas plus le jour que la nuit (son sixième album, et le plus pop) est un showman qui excelle dans l’art de faire des vannes. Et qui aime visiblement ça, puisqu’il en fait abondamment, moquant (avec bienveillance) la voix fausse du public ou encore ses musiciens. A écouter le titre Sitôt, très drôle, sur la déception que suscitent les amours qui réussissent trop vite, on se dit qu’on aurait pu deviner la malice derrière l’affliction : “Sitôt que l’on s’embrasse, à peine on se rapproche / C’est mort / Qui s’enlace se lasse dès que c’est dans la poche.”
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Chansons d’amour
Mais c’est comme ça, ce quadra éternellement jeune n’est jamais aussi généreux que quand il communique son spleen romantique. Le voilà qui revient au grand galop. Devant un public qui en redemande, dans l’ambiance intimiste qui s’est désormais installée, il interprète plusieurs morceaux des Chansons d’amour, comme Je n’aime que toi, et même l’inaltérable et déchirant Avant la haine (interprété par Joana Preiss et Romain Duris dans le film Dans Paris). La Grande Sophie monte également sur scène pour interpréter avec lui Tout tombe, dans une chorégraphie incomprise. Autre fantaisie, pour le plaisir : Alex reprend Tombé pour la France, d’Etienne Daho, un kif.
Généreux, Alex Beaupain l’est aussi beaucoup avec ses quatre musiciens, alignés sur un pied d’égalité avec lui : Valentine Duteil au violoncelle, Florent Savigny à la batterie, Antoine Tiburce au clavier, Victor Paimblanc à la basse/guitare. Et avec les techniciens, qu’il prend le temps de nommer et de remercier les uns après les autres chaleureusement. Sans faux-semblant. Pendant 1h30, Alex Beaupain n’a pas provoqué le déluge, comme il l’annonçait en se moquant de lui-même. Il nous a offert des chansons, comme autant de perles de pluie.
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