L’Italien Alessandro Sciarroni sera l’une des révélations du Festival avec pas moins de trois pièces. Rencontre avec un chef de bande hyperactif.
En ce printemps des festivals, Alessandro Sciarroni ne sait plus très bien où il habite : il rentre d’Uruguay, vient d’enchaîner une période de travail à Pantin, au Centre national de la danse, donne FOLK-S à Bruxelles dans le cadre du Kunstenfestivaldesarts. Pourtant, nulle incertitude dans le ton de sa voix : il est à sa place. Celle d’un espoir européen. Mais ne le lui dites pas trop fort. Ce garçon affable – et barbu – qui s’excuse de ne pas parler assez bien le français a de sérieux antécédents.
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Alessandro Sciarroni a en effet passé neuf ans au sein d’une compagnie de théâtre, Lenz Rifrazioni, à Parme, “comme une grande famille où j’ai pu grandir”. Il a étudié en parallèle l’histoire de l’art mais n’a pas vraiment eu de temps pour voir ce qui se faisait ailleurs, sur les scènes. “Lorsque j’ai commencé mes propres pièces en 2006, je crois que je pratiquais sans regarder les autres. Il fallait que je trouve mon propre terrain de jeu. La danse contemporaine est sans doute la seule chose qui manquait à mon éducation”, s’amuse-t-il. Elle va finir par le rattraper. “Plutôt m’accueillir. J’étais trop minimaliste pour le théâtre, trop encombrant pour les galeries.”
Dans un pays, l’Italie, où “il n’y a que peu d’argent pour les arts et encore moins pour la création contemporaine”, Alessandro pourra compter sur le soutien inespéré du Marche Teatro, qui est aujourd’hui encore son partenaire de prédilection. Leur compagnonnage est plutôt fructueux, aboutissant à la reconnaissance rapide de ce wonder boy.
Une pièce sans technologie
En 2011, Alessandro Sciarroni enchaîne deux productions, Joseph puis FOLK-S. Dans Joseph, dont on verra cet automne la version “kids”, le performer se débrouille avec un ordinateur et un corps, le sien, qu’il manipule en direct via un logiciel. Enfin, plutôt son image. Une œuvre délicieusement régressive à l’heure du tout connecté. “Mais après, je me suis remis au travail et j’ai voulu aller vers l’opposé, une pièce sans technologie, sans écran.” Ce sera FOLK-S, qui n’est pas alors le début d’une trilogie. Mais le deviendra. Cette chorégraphie, qui repose sur un travail minutieux de déconstruction des Schuhplattler, danses bavaroises où il s’agit de frapper et de rythmer le mouvement, est un choc. Une approche nouvelle et saisissante de la résistance, du temps et de la liberté en danse.
C’est en effet au spectateur de décider quand va s’arrêter FOLK-S. En quittant la salle ! “J’ai souvenir d’une spectatrice qui ne voulait pas partir. Et donc, elle nous ‘obligeait’ à continuer… pour elle. Les danseurs étaient mécontents. J’ai dû leur dire que c’était rare de nos jours d’être aimés de cette façon en tant qu’artistes !”
Seule “faiblesse” avouée ? “Je suis celui qui sort le plus tôt en général durant FOLK-S. J’ai l’excuse de mon âge.” Qui n’est pas si grand, cela dit. L’humour de Sciarroni est subtil. Pince-sans-rire. Impassibile, en italien dans le texte…
Présenté en France aux Rencontres chorégraphiques internationales de Seine-Saint-Denis en 2013, FOLK-S subjugue. Ou désarçonne. Il nous aura ainsi fallu le revoir quelques mois plus tard au Centquatre à Paris, dans un espace plus restreint, pour en saisir toute la portée. La machine est lancée, une sorte d’emballement que personne – et surtout pas son concepteur – n’aurait pu voir venir. Alessandro se remémore cette représentation à Aix-en-Provence où pas moins de quatre programmateurs de lieux parisiens présents lui proposent de l’accueillir dans la capitale !
Jongler avec le temps
En bonne intelligence, Alessandro aime l’idée de revenir en Ile-de-France, dans différents endroits. Ce travail sur la résistance initié dans FOLK-S, Alessandro Sciarroni le continue désormais avec UNTITLED, où il réunit des jongleurs. “Je ne connaissais rien à cet univers. Et je découvre des gens qui donnent tout. Il faut pas mal d’aplomb pour dire autour de soi : je veux être jongleur.” Les échanges se sont avérés soutenus, le chorégraphe se coltinant un autre univers, le nouveau cirque.
Une fois de plus, l’Italien joue dans ce spectacle avec le temps, étire ce dernier. “Après une représentation, j’ai lu un commentaire sur Facebook où quelqu’un disait : ‘Assister à ce spectacle, c’est comme être coincé à un feu rouge avec des jongleurs en face de vous. Sauf qu’à la fin vous applaudissez.’ J’étais furieux. Parce que cette personne était passée à côté de l’essentiel, cette idée de communauté.”
Alessandro Sciarroni le répétera au cours de notre rencontre, il ne veut pas simplement une compagnie, mais une bande d’artistes avec lui. Certains sont également des créateurs programmés ici où là, telle Francesca Foscarini. Et pas seulement dans son sillage. Prochaine étape et fin de la trilogie, Aurora devrait réunir des adeptes du goalball, sport de ballon joué par des malvoyants ou non-voyants. “Là, je vais à la rencontre de personnes qui développent une autre sensibilité.” Il ne sait pas ce qu’il sera dans trois ans. “Est-ce que tout cela va finir ?”
On pourrait dire qu’il y a du pessimiste chez cet homme cultivé. A moins que ce ne soit l’insoutenable légèreté de l’être, qu’il réinterprète à sa façon.
Joseph_kids chorégraphie Alessandro Sciarroni, les 8 et 9 décembre au Théâtre Louis Aragon, Tremblay-en-France, tél. 01 49 63 70 58,
FOLK-S_will you still love me tomorrow? chorégraphie Alessandro Sciarroni, du 4 au 8 novembre au Monfort Théâtre, Paris XVe, tél. 01 56 08 33 88, ; le 6 décembre au Théâtre Louis-Aragon, Tremblay-en-France, tél. 01 49 63 70 58,
UNTITLED_I will be there when you die chorégraphie Alessandro Sciarroni, les 13 et 14 novembre au CND de Pantin, tél. 01 41 83 98 98, ; du 18 au 22 au Monfort Théâtre,, Paris XVe, tél. 01 56 08 33 88, du 26 au 30 au Centquatre-paris, Paris XIXe, tél. 01 53 35 50 00, www.104.fr
Festival d’Automne à Paris, tél. 01 53 45 17 17,
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