Avec des représentations efficaces comme celles de la pub ou du cinéma, Aguirre Schwarz déconstruit l’image de marque pop et lisse de Coca-Cola. Et interroge ce faisant sur la possibilité de transposer les démarches structurelles d’un contexte à un autre.
Des logos Coca-Cola dégoulinent sous un ciel orageux. Transpercés de l’élégante ligne hélicoïdale de la même marque, des visages de femme sur fond rouge se tordent de plaisir.
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Les deux images possèdent la simplicité manichéenne de la publicité. Elles transposent également à l’univers des mégamarques les ressorts d’efficacité éprouvés du cinéma hollywoodien : la violence et le sexe, la peur et le désir.
Comme si chacune de nos émotions, désormais, ne pouvait se concevoir qu’à l’intérieur d’images précolorisées et préemballées par les stratégies publicitaires.
Comme si nous étions, au final, devenus accros non seulement aux sucres rapides et aux acides gras saturés de l’industrie alimentaire, mais également aux sensations fortes que ne réussissent plus qu’à nous procurer les experts de la manipulation émotionnelle : les publicitaires.
L’image rapide dans un contexte urbain
Ces deux registres d’images, on les retrouve à la New Galerie dans le cadre de l’exposition d’Aguirre Schwarz. Son titre est tout aussi efficace, le message va droit au but et aux neurotransmetteurs et puis rien d’autre : Aguirre Schwarz savoure le rouge.
En guise d’incipit, une vidéo présentée dans la première salle précise le contexte. Issue de la série des Liquidated Logos que mène l’artiste depuis 2006, on y voit, filmé à la sauvette, un petit groupe organisé en commando s’attaquer au logo qui orne le flanc de l’usine Coca-Cola parisienne.
En l’espace d’un clignement d’œil, celui-ci se met alors à fondre et à dégouliner. Sur la façade coulent désormais de grosses gouttes sanglantes à mesure que le logo s’altère – juste ce qu’il faut pour rester identifiable, mais inexorablement altéré.
Le sens des deux séries de peintures que nous venons de mentionner, Hitchcoke Series – le sexe – et Coca-Cola Liquidated (Redstorm) – la violence – provient bel et bien d’une réflexion autour de l’image rapide présentée dans un contexte urbain.
Celui qui œuvre également sous le pseudo Zevs s’est, en dehors des néons des galeries, notamment fait connaître pour ses « attaques visuelles » (Visual Attacks, 2011) où il venait bomber un point rouge sur le front des icônes des affiches publicitaires.
Ou encore, dans la même veine, ses « kidnappings visuels » (Visual Kidnapping, 2004), une prise d’otage des égéries publicitaires de la marque de café Lavazza, dont il découpait puis retirait la silhouette tout en y inscrivant sa demande de rançon.
Une attention aux signes et aux codes
A notre tour, nous pourrions alors nous demander s’il ne s’agit pas, en réinsérant dans le contexte de la galerie des pratiques urbaines, d’une opération de kidnapping du même acabit.
Or à la New Galerie, Aguirre Schwarz savoure le rouge s’inscrit entre des murs chargés de l’histoire récente de la constellation d’artistes représentés par la galerie, de DIS Magazine à Artie Vierkant, de Florence Jung à Christopher Kulendran Thomas.
Autant d’artistes qui, à leur manière, travaillent également sur les structures qui conditionnent la circulation et la réception des images. Et surtout, qui s’y insèrent, s’y coulent et s’y moulent, adoptant une posture d’exacerbation plutôt que d’opposition.
En quelque sorte, et bien que les travaux ne se comparent pas, il se joue chez eux quelque chose d’une attention aux signes et aux codes qui vise la même cible. A savoir le discours publicitaire et le discours managérial, deux simplifications extrêmes du réel et des affects, dont les artistes nous livrent alors la sève à l’état concentré – et forcément écœurant.
Aguirre Schwarz savoure le rouge Jusqu’au 20 juillet, New Galerie, Paris IIIe
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