A Marseille, Korakrit Arunanondchai dévoile l’épilogue de sa série vidéo Painting with History dans une installation sédimentaire qui piste les traces mémorielles.
A l’heure où la fin du monde semble plus envisageable que celle du capitalisme, où l’empreinte humaine sur la planète devient chaque jour plus profonde, que faire en tant qu’artiste ? Se mettre au diapason des lanceurs d’alerte, médias ou universitaires ? Cette alerte, on commence à la cerner, et puis on a beau annoncer la catastrophe, ça ne prend pas vraiment.
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Né en 1986 en Thaïlande et se partageant entre New York et Bangkok, Korakrit Arunanondchai part plutôt du principe qu’il ne sert à rien de pleurnicher ou d’épouser le rôle d’artiste prophète, mais qu’il faut prendre acte. Il est impossible de revenir sur nos erreurs, impossible de réparer nos sols. Parce que de toute façon il est déjà trop tard, nous sommes déjà contaminés, empoisonnés par la pollution, par l’eau, par ce que nous ingurgitons. Avec lui, l’enjeu réside dans notre capacité à esquisser des méthodes de survie et à naviguer dans le chaos du monde, dans sa violence, alors que les repères traditionnels (identitaires, réel/virtuel…) se sont effondrés.
Un état de demi-sommeil
C’est ce à quoi nous engage son installation marseillaise : une vidéo accompagnée d’un sol recouvert d’une substance à l’allure de limon et de fuel, et d’une performance. Dernier opus d’une longue série, la vidéo, composée d’éléments récupérés, de fiction ou documentaires, immerge immédiatement le spectateur dans un millefeuille de temporalités, presque dans un état de demi-sommeil.
Depuis son expérience intime – sa grand-mère vieillissante, ses amis, ses fantasmes –, l’artiste capte ce beat réel et spirituel, ses fulgurances, ses banalités, crispations et pulsions : le pouls de la vie. Alors on se dit qu’en ce qui concerne l’art, finalement, c’est bien la beauté et l’empathie qui nous sauveront. Parce que c’est cela, survivre.
L’obligation du zapping permanent
Arunanondchai s’est précisément intéressé aux matériaux de la mémoire, au disque dur de la mémoire des éléments. Flottante, filmée caméra l’épaule ou à l’aide d’un drone, la vidéo épouse le flux d’une conscience “aplatie”, aplatie parce que la technologie a abattu les hiérarchies entre les ordres de réalité et oblige à vivre dans un zapping permanent.
Pourtant, il ne faut pas en avoir peur, comme il faut goûter à cette matière flasque que l’artiste a ingurgitée pendant la performance et qui a l’aspect du pétrole mais est aussi “nourrissante”. Il faut l’absorber comme on le ferait de toutes les possibilités permises par nos sociétés technologiques. Car c’est bien dans ce liquide, à la fois enivrant et toxique, que logent les forces nécessaires pour renouer avec notre Terre. Et affronter le présent.
With History in a Room Filled with People with Funny Names. 4 Jusqu’au 29 juillet, J1, Marseille
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