Présenté au dernier Festival d’Avignon, “Fraternité, conte fantastique” de la jeune metteuse en scène mise sur la science-fiction en proposant une fable apocalyptique pour documenter l’expérience d’un vivre-ensemble devenu vital.
L’histoire d’une humanité ayant perdu la moitié d’elle-même. Avec Fraternité, conte fantastique Caroline Guiela Nguyen déploie une fiction qui rappelle la série HBO The Leftovers, où 2% de la population mondiale se volatilise un jour sans laisser de traces. Pousser le curseur pour atteindre les 50% ne témoigne pas chez elle d’une volonté de surenchère, et la comparaison s’arrête là.
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En ciblant dans son titre l’un des trois piliers de l’idéal républicain, Caroline Guiela Nguyen annonce un projet politique pour nous rappeler les valeurs d’une fraternité qui a bien du mal à aller de soi dans les rapports sociétaux de notre troisième millénaire. Son propos s’augmente de l’ironie d’un trait cruel… puisqu’il lui faut passer par le récit d’un conte, qui plus est fantastique, pour imaginer une situation et un lieu où une communauté hétéroclite se donne pour mission de résoudre une catastrophe tenant de la magie en se lançant dans la quête de l’autre où qu’il soit.
L’utopie d’une Babel
En des temps où les discours politiques peinent à rassembler, la metteuse en scène mise sur les flamboyances d’un mélo lacrymal pour filer la métaphore d’une crise planétaire apte à faire vibrer la corde sensible du désespoir d’avoir perdu un·e proche. “La Grande Eclipse”, le tour de passe-passe d’un voile noir de quatre minutes où se tourne la page de tant de vies, devient prétexte à faire tomber les masques et les préjugés pour viser l’horizon d’une égalité entre citoyen·nes.
Caroline Guiela Nguyen convoque alors sur le plateau l’utopie d’une Babel où vole en éclats la barrière des langues pour rapprocher des individus issus de cultures multiples. L’état de choc passé, tous·tes sont prêt·es à se retrousser les manches pour rejoindre le creuset d’empathie d’une institution nommée “Centre de soins et de consolation”. La découverte d’un rapport entre la douleur qui brise les cœurs et le mouvement des planètes permet d’imaginer une solution en lien avec les zones les plus lointaines de l’univers.
Se nourrir du réel
Si la fable ne rompt jamais le contrat de confiance avec le public de se cantonner à un imaginaire de science-fiction, elle s’ancre sur deux années d’enquête de terrain pour se nourrir du réel et intégrer à la troupe des comédien·nes amateur·trices rencontré·es durant le parcours.
Un spectacle à vivre dans le partage d’une émotion qui souvent mouille le regard en trouvant ses climax dans les chants traditionnels tamouls de Vasanth Selvam, le flow des rappeuses Nanii et Saaphyra et le lamento baroque du contre-ténor Alix Petris. La tendre dénonciation d’un festin de larmes s’affirmant en point de non retour vers le chaos ambiant.
Fraternité, conte fantastique texte et mise en scène Caroline Guiela Nguyen du 18 septembre au 17 octobre, en français, vietnamien, tamoul, arabe et anglais surtitré en français, Odéon-Théâtre de l’Europe aux ateliers Berthier, Paris
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