Invité à créer pour les 22 danseur·ses du Ballet de Lorraine, le chorégraphe portugais ose l’euphorie collective.
Comment se dire adieu ? Avec Instantly Forever, ouvrant de ce double programme donné à l’Opéra de Nancy, les chorégraphes Petter Jacobsson et Thomas Caley signent une pièce en guise de conclusion. Jacobsson, à la tête du Ballet de Lorraine depuis 2011, s’apprête en effet à tourner la page, laissant derrière lui une compagnie en belle forme. Maud le Pladec, dont le Static Shot au répertoire de la troupe n’en finit pas de tourner, lui succèdera.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Nostalgie et transe
Il faut regarder dès lors Instantly Forever pour ce qu’il est, une réflexion sur le temps passé. La pièce ose se confronter à la Symphonie en trois mouvements de Stravinsky sans convaincre. Avant de se reprendre – cette fois sur la musique éminemment chorégraphique de Steve Reich –, abondant de sauts, les corps portés en guise de suspension. De ce désordre organisé par Peter Jacobsson et Thomas Caley, on retiendra la belle prestance des ensembles, enveloppés par les lumières de Eric Wurtz. Mais la folie douce de cette soirée, ce sera A Folia de Marco da Silva Ferreira, l’artiste le plus intéressant de sa génération. Il part d’un rituel lié à la fécondité autant qu’à la danse, La Folia, rassemblement populaire de bergers et bergères au Portugal, pour imaginer une fête contemporaine.
Battle, rave, clubbing, tout y passe avec pour bande-son la partition de Luis Pestana inspirée du très baroque Arcangelo Corelli. Corps en transe secoués de vibrations, trios au sol à pas glissés, portés vertigineux à même les épaules, a Folia invente ainsi son propre récit, celui d’une euphorie collective pour faire barrage à la montée de tous les nationalismes. Sous le vernis d’une fête, a Folia réaffirme le besoin d’être ensemble pour lutter. Au-delà de la virtuosité propre aux danses de club, Marco da Silva Ferreira délivre de pièce en pièce un message à double sens, politique autant qu’artistique.
Dans sa création Carcaça, reprise ces jours-ci à Paris, le propos est on ne peut plus clair : il n’y a pas de révolution possible sans mouvements dansés. A Folia puise sa folie dans l’air qui, parfois, vient à manquer. Fole, en portugais, signifie soufflet : sur scène, les interprètes du Ballet de Lorraine en offriront la plus belle des versions, une chorégraphie des bras à la mécanique répétitive. En quittant la salle, presque grisé par ce spectacle, on aurait voulu que la “party” se prolonge place Stanislas, le cœur de Nancy. Ce sera pour une autre fois.
Instantly Forever/ a Folia, créations pour le Ballet de Lorraine, Opéra national de Lorraine à Nancy jusqu’au 12 mars www.ballet-de-lorraine.eu.
Carcaàa, Marco da Silva Ferreira, Séquence danse, Cenquatre, Paris du 14 au 16 mars www.104.fr.
{"type":"Banniere-Basse"}