La Tunisienne Dorsaf Hamdani a convié l’accordéoniste Daniel Mille à réinterpréter quelques-uns des titres les plus intimes de deux grandes tragédiennes de la chanson, Barbara et Fairouz.
De façon assez inattendue, c’est autour du silence que s’est élaboré ce projet atypique pariant sur une rencontre imaginaire entre les deux grandes tragédiennes de la chanson moderne que sont Barbara et Fairouz.
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“Dès mon premier rendez-vous avec Dorsaf, elle m’a parlé de ce qu’elle voulait, de l’espace, du silence”, se souvient Daniel Mille, accordéoniste et maître d’œuvre. Autant dire que la chanteuse tunisienne Dorsaf Hamdani ne pouvait taper plus juste, dans le Mille même, car un peu plus tard Daniel nous confie une clef de sa personnalité en s’échauffant dans les coulisses du Théâtre Municipal de Tunis où se donne la première du spectacle : “Ce que j’aime le plus dans la musique, c’est le silence !”
Ce n’est pas que ce musicien qui a commencé par la trompette au régiment, puis fait la manche dans le métro parisien avec son accordéon, soit avare de notes. Mais un peu à la manière d’un architecte qui pense lumière avant de réfléchir matériau, il trouve dans le silence le véritable espace de cette pure contemplation auditive à laquelle certains musiciens aspirent de toutes leurs âmes.
Il y a trente ans, il débutait en jouant quatorze notes (pas une de plus) dans le spectacle Lily Passion qui réunissait Gérard Depardieu et Barbara. “Du jour au lendemain, je suis passé du bal de la saucisse de Conflans-Sainte-Honorine au Zénith !” Depuis, il s’est mis au service de gens difficilement compatibles (sauf pour lui) tels que Claude Nougaro, Jacques Higelin, Salif Keita, Nina Hagen et Jean-Louis Trintignant, avec qui il a enregistré trois albums.
Réunir les deux rives de la Méditerranée
Ce projet avec Dorsaf Hamdani autour d’un répertoire si ambitieux a d’abord suscité quelques interrogations. “Je connaissais Barbara bien sûr, mais ni Fairouz ni la musique orientale, où l’accordéon est rare.” Le déclic est venu à l’écoute du morceau Atini nay wa ghanni dont Dorsaf lui recommande deux versions, celle de Fairouz et celle de la chanteuse américaine (aux origines libanaises) Lhasa de Sela. “J’ai su aussitôt que je pouvais trouver ma place dans cette aventure.”
Pour Dorsaf, les choses semblaient plus évidentes. Nourrie dès le plus jeune âge à la musique arabo-andalouse dans sa Tunisie natale, diplômée en musicologie à la Sorbonne, elle a eu tout loisir de laisser mûrir en elle la sensibilité propre aux deux rives de la Méditerranée.
“Barbara ? J’ai découvert ses disques à Paris il y a douze ans. Mais de façon superficielle. J’y suis revenu après un temps pour finir par oser me l’approprier.”
Dans l’intervalle, Dorsaf a enregistré un recueil, Ivresses, autour de la poésie d’Omar Khayyam. Puis un autre où elle reprend les trois grandes dames de la musique arabe, l’Egyptienne Oum Kalsoum et les Libanaises Asmahan et Fairouz. Au fond, en ajoutant Barbara à cette constellation, elle n’aura fait qu’approfondir un éternel féminin dans lequel entrent aussi bien les mélismes orientaux que la diction épurée du français.
Entre Fairouz et Barbara, entre la Parisienne d’origine juive devenue grande dame de la chanson française et la Beyrouthine maronite promue diva de la musique arabe, entre La Solitude, L’Aigle noir ou Nantes de l’une et Atini, Zourouni ou Jerusalem de l’autre, c’est de fait moins le silence qui cimente que l’absence dont ces femmes douloureuses ont fait un lit d’épreuves. Et dont Dorsaf est venue changer les draps.
Barbara-Fairouz avec les chansons de Barbara et de Fairouz, chant Dorsaf Hamdani, accordéon Daniel Mille le 20 juillet à 22 h, Musée Calvet Brounch rencontre La chanteuse Dorsaf Hamdani
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