A Nîmes, la photographe américaine LaToya Ruby Frazier présente sa vision intime de la banlieue de Pittsburgh.
Inusable, le jeans 501 ? Dans la vidéo de LaToya Ruby Frazier, il finit en charpie. C’était il y a cinq ans, et LaToya Ruby Frazier (33 ans) répondait à une campagne d’affichage de Levi’s où il était question de Braddock, banlieue ouvrière de Pittsburgh (Pennsylvanie) et terrain d’observation de cette artiste formée à l’école éminemment politique d’Andrea Fraser.
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A l’idéologie douteuse et faussement cool de cette pub qui convoquait la figure du pionnier, Ruby Frazier se mettait en scène, dans une performance filmée, usant jusqu’à la corde cet emblème du capitalisme mondialisé en se frottant avec rage sur le bitume.
Embedded au sein de sa famille
Peu connue en France, LaToya Ruby Frazier incarne aux Etats-Unis le renouveau d’un art politique frontal et radical qui réhabilite les armes du témoignage : la photographie et la vidéo. A Nîmes, pour sa première exposition monographique en France, on découvre ainsi le travail d’enregistrement mené embedded au sein de sa famille, victime collatérale, comme une bonne partie des habitants de Braddock, des ravages d’une aciérie en activité de la fin du XIXe siècle au début des années 80.
Cette archive visuelle qui documente l’impact de l’industrie sidérurgique sur les corps et l’environnement permet de faire réémerger sous le storytelling actuel, qui fait de cette banlieue un étendard de la redynamisation de la ceinture industrielle des Etats-Unis, une réalité que l’on cherche à enfouir.
Prendre et donner la parole
Ce faisant, LaToya Ruby Frazier dote ses sujets, sa mère et sa grand-mère, atteintes de maladies chroniques et du cancer, d’une autonomie émancipatrice en leur apprenant les rudiments de la technique photographique. Ce sont elles qui choisissent les poses et les cadres et l’on pense alors au travail des groupes Medvedkine de Besançon et de Sochaux, nés dans les années 70 d’une rencontre avec Chris Marker venu filmer les ouvriers en grève. Il en résultera des films militants sur la réalité des usines, coproduits en interne par des ouvriers et des techniciens du cinéma. Prendre et donner la parole, c’est aussi le cœur du projet de LaToya Ruby Frazier.
Performing Social Landscapes jusqu’au 13 mars au Carré d’art de Nîmes, carreartmusee.com
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