Laurent Proux fait de la peinture une question de classe.
C’est une peinture bravache qui ne craint pas de mettre le doigt dans l’engrenage de la production industrielle, alors que cet univers n’a rien à voir avec cet art individuel, rarement collectif (ou collectiviste), lorgnant davantage sur la couleur des fleurs que sur le gris métallique des machines. “Il y a, entre les deux, une différence de classe. Et je travaille la peinture contre ce qu’en général, on pense qu’elle est”, pose Laurent Proux, ex-étudiant d’Yves Bélorgey à Lyon et de Werner Büttner à Hambourg. A l’arrière-plan du premier tableau accroché, une thermoformeuse turbine et rejette de ses rouleaux les jambes, le tronc et les bras d’un Arlequin, incarnant l’idée que le corps soumis aux cadences infernales finit émietté, broyé par la machine capitaliste.
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Un petit peuple et malaxé
Une jolie fille au regard rêveur est au boulot devant une machine, elle aussi. L’image est copiée d’un manuel pour stagiaire au début des années 80, dans l’ex-RDA. Laurent Proux a mis les mains dans le cambouis du fusain pour rendre grâce à la beauté du modèle. Cela se voit : le bas de la feuille laisse apparentes toutes les traces qu’ont posées les doigts de l’artiste, maculés de graphite noir pendant la réalisation du dessin. Surtout, ce modèle d’ouvrière semble n’être pas entièrement résignée à son image d’ouvrière modèle.
L’ensemble déroule à la chaîne les mêmes motifs : l’Arlequin démembré, la machine, la fille de l’ex-RDA, des nus issus de revues érotiques amateures. Plus on avance, plus ce petit peuple est malaxé. Mais, loin d’être sinistre, cette danse macabre vire à l’envolée émancipatrice : Volière, le titre de la dernière toile, ose une fougue matissienne. On n’a pas dit bourgeoise.
Main invisible jusqu’au 23 mai, à la galerie Semiose, Paris IIIe, semiose.fr
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