Témoignant avec humilité de sa passion pour 2666, Julien Gosselin gagne son pari d’un théâtre mis au service de la littérature, capable de refléter toute la démesure du roman-fleuve de Roberto Bolaño.
Pour embrasser les 1300 pages de 2666, le roman testamentaire du Chilien Roberto Bolaño, Julien Gosselin ose le hors-norme d’un spectacle marathon de douze heures avec quatre entractes. Un parcours théâtral qui reprend la chronologie du livre dans la grande fidélité de son adaptation, pour en traduire la substantifique moelle.
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De la quête d’un mystérieux auteur allemand nommé Benno von Archimboldi à une enquête sur la violence propre à l’humain qui retrace l’histoire de notre XXe siècle, les paysages de ce récit réveillent les sinistres souvenirs de la Shoah par balles perpétrée par les nazis et rappellent le calvaire des femmes mexicaines violées et torturées dans une ville de fiction qui ressemble à s’y méprendre à celle de Ciudad Juárez, où une série de crimes similaires ont été commis.
2666 a été plébiscité à Avignon
On le sait d’ores et déjà, le spectacle fut plébiscité par une critique et un public unanimes lors de sa création à Avignon. Raison de plus pour se lancer dans l’analyse des raisons qui fondent son succès. Face à la folie digressive de l’œuvre littéraire et sa façon ludique de multiplier les clins d’œil aux romans de genre, Julien Gosselin oppose un théâtre de la ligne claire qui préfère être au plus près du littéral plutôt que tenter d’ajouter son commentaire au déroulé d’un récit déjà proliférant.
Signée par Hubert Colas, la belle scénographie de boîtes transparentes – dont le ballet renouvelle de scène en scène l’espace de jeu du plateau – participe du même désir de donner un cadre simple et repérable à cette aventure à la géographie si variable. Sachez que l’on passe ainsi de divers pays d’Europe aux Etats-Unis et au Mexique sans se poser la moindre question…
2666, un spectacle total
Par ailleurs, le metteur en scène a eu l’idée louable de faire traduire certains monologues dans leur langue originale pour nous donner à entendre l’histoire tour à tour en anglais, en espagnol ou en allemand. Un supplément de vérité qui surclasse en émotion notre mémoire de simple lecteur.
Mais l’apport du théâtre ne s’arrête pas là. Maîtrisant aussi bien l’usage de la vidéo que celui d’une bande-son réalisée en live, Julien Gosselin fabrique un creuset irradiant. Le jeu des acteurs au plus près de la vérité de la multitude de leurs personnages, le recours à l’image qui esthétise et à une musique qui donne au plateau des allures de concert electro, tout concourt à faire de 2666 un spectacle total. Au final, c’est en faisant preuve d’une forme d’humilité que Julien Gosselin gagne son pari.
2666 d’après Roberto Bolaño, adaptation et mise en scène Julien Gosselin, jusqu’au 16 octobre à l’Odéon-Théâtre de l’Europe-Ateliers Berthier, Paris XVIIe, dans le cadre du Festival d’Automne à Paris
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