Déroulé de la deuxième journée de grève décidé au festival d’Avignon en soutien au mouvement des intermittents.
Après un vote du personnel du festival et suite à un préavis de grève déposé par la CGT spectacle et les coordinations des intermittents et précaires, Avignon connait son deuxième jour de grève en ce 12 juillet. Alors qu’une manifestation est appelée à se réunir à 14 heures devant la gare d’Avignon, Olivier Py, le directeur du festival, organise à 13h30 un point presse pour tenir les médias au courant de la liste des lieux qui se sont prononcés pour jouer ce jour et ceux qui ont optés pour la grève… Tout en s’inquiétant des conséquences des mouvements sociaux sur l’économie du festival qu’il résume en quelques chiffres:
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» Sur les 649 salariés inscrits du festival, 286 ont voté (soit 56% d’abstention) : 186 ont voté pour la grève et 94 contre. 6 spectacles sont maintenus (les deux Sujets à vif, Le Prince de Hombourg de G. B. Corsetti, Orlando d’Olivier Py, Nature morte de Michel Raskine, Othello variation… de Nathalie Garraud et Olivier Saccomano) et 8 se sont déclarés en grève (Hypérion de Marie-José Malis, La Sorelle d’Emma Dante, Lied Ballet de Thomas Lebrun, Huis de Joos de Paw et Jan Kuijken, Archive d’Arkadi Zaides, Dire ce que l’on ne pense pas… d’Antonia Araujo, Vitrioli d’Olivier Py et Le Mahabharata de Satoshi Miyagi. »
Pour ce dernier spectacle, Olivier Py précise que le fait de jouer étant sacré pour la compagnie japonaise, ils ont décidé de respecter la grève de soutien aux intermittents, mais se produiront gratuitement pour jouer dans la rue quelques scènes de leur spectacle, non pas à la Carrière Boulbon, mais sur la place devant le Petit Palais d’Avignon. Il a ensuite précisé que sur une jauge de 127 758 places, 104 641 places ont déjà été vendues, soit un taux de 82% de remplissage. « C’est pour moi une source de fierté de voir que le public tient bon, enchaîne Olivier Py, mais aujourd’hui, les pertes se montent à 58 880 euros et pour la grève du 4 juillet, à 68 000 euros, auxquelles il faut rajouter les pertes des recettes annexes, pour un coût total estimé à 130 500 euros. Ce qui aura des conséquences sur la marge artistique de l’édition 2015 et sur les actions sociales engagées par le festival durant l’année. » S’il a introduit son point presse en affirmant trois principes : « La grève est un droit, ne pas faire grève est un droit et le festival est une démocratie« , Olivier Py a aussi donné son point de vue : « Je suis solidaire d’un combat qui appelle le gouvernement à prendre mieux en compte la précarité et à soutenir la culture, mais ne pas jouer les spectacles n’est pas la bonne solution. C’est un avis personnel et j’appelle au calme. »
A l’autre bout de la ville le ton était très différent, le parvis de la gare d’Avignon était plein et réunissait plus d’un millier de manifestants. Multipliant les appels à la mobilisation sous les bannières de la CGT spectacle et du NPA entre autres, les prises de parole au mégaphone désignaient le Medef comme l’ennemi de classe et rappelaient que si Aurélie Filippetti, ministre de la Culture, avait annoncé sa venue en Avignon les 16 et 17 juillet, elle n’y était pas désirée et que l’on se donnerait les moyens de le lui faire savoir. La manifestation a remonté le cours Jean-Jaurès avant de suivre son parcours dans la ville en évitant le grand axe vers la place de l’Horloge pour aller au contact de la population des festivaliers à travers le dédale des petites rues.
Plus tard, s’ouvrait à 16h30 dans la cour du Cloître Saint-Louis où sont installés la permanence du collectif du In, de la Coordination des Intermittents et Précaires et les bureaux du festival, un débat organisé de longue date par la directrice du Syndeac, Madeleine Louarn. Animé par Laure Adler, la rencontre au titre soudain brûlant d’actualité, L’avenir de l’art, réunissait Marie José Malis, Edwy Plenel, Marie- José Mondzain, Georgio Barberio Corsetti, Benoît Lambert et Eric Vautrin. Chacun recadra son discours en écho de la grève du jour. Mais, restera dans tous les esprits l’intervention de Marie-José Malis, metteur en scène d’un Hypérion mis à mal par la plupart des critiques, dont la clarté des propos pouvait tenir lieu de une feuille de route pour que les luttes continuent :
« Je voudrais d’abord faire l’éloge de la minorité qui a conduit ce mouvement et a fait tout le travail de pensée nécessaire à son éclosion. Je suis dans un festival où je suis attaquée, je suis une artiste minoritaire qui a pris la direction d’un théâtre (La Commune, CDN d’Aubervilliers, ndlr) et je pense qu’on est à la fin d’une séquence et au début d’une autre. J’ai envie de citer Meyerhold qui disait : ‘L’art doit donner l’intuition d’une nouvelle joie de vivre’. Mais je pense que l’art doit aussi instruire ses spectateurs. Depuis quelques décennies, il y a, pour des raisons commerciales, une confusion entre l’art et la culture. On vit sur l’illusion d’un mythe fusionnel entre le spectacle et son public… On croit à tort que l’art, pour être populaire, doit plaire à tout le monde. Or, je crois que l’art n’a jamais avancé qu’avec des propositions scandaleuses et il suffit de se reporter aux réactions provoquées par les premières mises en scène d’Antoine Vitez pour s’en convaincre. Il faut ouvrir une ère de courage dans laquelle les théâtres publics cessent de se poser en critiques de la société pour devenir des lieux très particuliers, ceux de l’affirmation du courage de penser pour construire l’avenir du comment nous devrions vivre.«
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