GALERIA CONTINUA et le CENTQUATRE se lancent dans une collaboration renouvelée à l’occasion des 10 ans de GALLERIA CONTINUA en France et des 10 ans du projet d’exposition collective « Sphères ». L’exposition vise à faire connaître des oeuvres rarement vues en France, notamment des artitses étrangers, et à en faire bénéficier un large public.
Le projet Continua Sphères ensemble vise en premier lieu à renouveler les rapports public/privé construits par les institutions muséales et les galeries : l‘exposition reprend le principe de la foire mais à contrepied : les artistes exposés sont représentés par leurs galeries respectives dans une logique associative, faisant fi du principe de concurrence des foires d’art contemporain. L’enjeu monétaire est déjoué au profit d’une volonté de partage, d’expérience collective au cours de laquelle le spectateur peut circuler librement. Les artistes exposés viennent du monde entier: on compte ainsi Berlinde de Bruyckere, Kader Attia, Ivan Argote, Ai Weiwei ou encore Anish Kapoor…
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La sculpture très aérienne de Loris Cecchini nous accueille : construction gigantesque en acier, elle décline un module qui se démultiplie en une forme biomorphique qui semble muter sous nos yeux. La sculpture grignote les escaliers et se déploie dans les airs en une dentelle organique, qui, frappée par le soleil prend des allures de plante futuriste. L’artiste travaille photographie, dessin, sculpture et installations pour créer un univers poétique homogène dans lequel il questionne les frontières entre artifice et nature.
Miroirs du monde
On pénètre ensuite dans le hall principal du 104, occupé par l’installation performative Market de Zhanna Kadyrova. Fac-similé de marché en ciment et carreaux de carrelage, le travail de l’artiste interroge le statut de l’œuvre devenue marchandise. Née en Ukraine, Zhanna Kadyrova réinterprète et déconstruit l’environnement moderniste hérité de l’ère soviétique.
Le travail d’Ivàn Argote questionne également l’influence de l’histoire, de la politique et de l’économie dans la construction des individus. L’installation qu’il présente, The Other, Me and the Others, est une immense balancelle collective qui bascule selon le nombre de personne qui sont dessus. Le visiteur peut ainsi évaluer l’importance des autres dans un équilibre collectif.
Derrière, un gigantesque miroir brisé s’étale sur le sol, reflétant la verrière du plafond de façon fragmentée. Le Grand Miroir du monde, installation de Kader Attia, fait état de manière métaphorique de la fragmentation du monde: social, politique, ethnique et religieux. Reflet détruit, déconstruit, il faut en recoller les morceaux pour réussir à y voir plus clair et finalement pour reconstituer un monde uni et harmonieux.
Echo à cette installation, l’œuvre de Pascale Marthine Tayou s’érige en continuation du miroir: sur un monticule de sable s’érige un tronc d’olivier terminé par des masques en cristal. Sorte de panthéon aride de visages translucides, cette œuvre, tout en paradoxes et en finesse, semble asseoir une promesse de vie, de contact entre les individus.
Le parcours s’articule en plusieurs espaces clos qui regroupent des œuvres qui répondent les unes aux autres. On entre par une porte cachée derrière un épais rideau noir: se dévoile un mur rempli des célèbres photographies Self Portrait of You + Me de Douglas Gordon. Sublimes portraits d’icônes du cinéma et de stars consumées, ces photographies interrogent le médium photographique, son caractère altérable, sa possibilité ou non de fixer une image dans le temps. Gordon repousse les limites du genre du portrait : quelle est l’identité et la mémoire d’un sujet dont le regard, le visage ont été effacés ? L’extraordinaire puissance de ces photographies réside dans l’utilisation de miroirs : la parties brûlées sont comblées par des miroirs qui permettent au spectateur quand il s’en approche de voir son propre reflet.
L’installation : espace de réflexion politique ?
On entre par une porte cachée derrière un épais rideau noir: un chapelet orange de plusieurs mètres de haut est éclairé dans le noir. Installation de Moataz Nasr, artiste d’origine égyptienne, ce chapelet démesuré est constitué de 34 réservoirs d’essence en métal qui constitue les perles.
Le choix des réservoirs d’essence est très engagé de la part de l’artiste qui dénonce ici l’intervention de l’argent du gaz et du pétrole dans la religion. La couleur orange évoque l’Organisation État islamique. Mootas Nasr est l’un des plus important représentants de l’art contemporain panarabe: il s’intéresse aux phénomènes religieux, économiques et culturels du monde arabe, toujours en dépassant les limites géographiques et les comportements propres à chaque individu. Mootaz Nasr nous offre une installation éminemment engagée qui évoque de façon symbolique mais néanmoins directe et parlante un problème politique contemporain.
C’est dans une démarche différente mais néanmoins engagée que travaille Leila Alaoui, artiste décédée à la suite d’un attentat terroriste au Burkina Faso. Elle a photographié des personnes qu’elle a rencontrées à la suite de voyages dans le Maroc. Les photographies sont empreintes d’une volonté de réalisme afin de s’écarter de l’objectif d’exotisation de l’Afrique du Nord des Européens. Les photographies surprennent car elles n’ont rien d’orientalisant, les visages et les costumes ne sont pas passés sous le prisme de fantasmes européens. L’artiste parlait de « correction postcoloniale » à propos de ses travaux photographiques.
Une expérience hors temps
Dans une des salles plongées dans le noir, une barque surmontée de personnages sculptés dans du bois noirâtre est éclairée par une unique lumière. Barque aux passagers sans visages, cette très belle composition a été réalisée par l’artiste ivoirien Jems Koko Bi. L’installation peut évoquer le sort des migrants ou du moins celui d’individus à la recherche d’un espoir, d’une autre vie, d’un autre territoire. Les passagers sont sculptés dans du bois de chêne partiellement brûlé, ce qui confère aux corps et aux visages une densité macabre. Les visages sont à peine esquissés, ce qui donne l’impression qu’ils sont murés et figés dans le temps. Sont-ils en route vers un ailleurs ou déjà dans l’autre monde? A la fois sculpteur et performeur, Jems Koko Bi interroge les notions d’espace et d’histoire à travers la sculpture mais aussi la performance.
Une installation surprenante de Berlinde de Bruyckere prend place dans une des salles: l’artiste a utilisé comme à son habitude la cire afin de créer des formes entre le tronc d’arbre et les membres humains. Ces troncs étranges trouvent une protection précaire derrière des placards-fenêtres en bois. Formes de vie abîmées, mutilées par le temps, ces troncs ne sont pas inquiétants comme certaines des sculptures de l’artiste. Empreints d’une douleur passée ils semblent retrouver un apaisement intemporel au creux de cet abri de bois.
Continua Sphères Ensemble, au Centquatre, jusqu’au 19 novembre 2017
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