Au procès de Rennes, le parquet a requis la relaxe des deux policiers, affirmant que “l’action des policiers était légitime”. Un réquisitoire critiqué par l’avocat des familles qui dénonce “un dialogue de sourds”.
Elle avait été peu prolixe depuis l’ouverture du procès. Mais ce jeudi après-midi, Delphine Dewailly, procureure de la République adjointe, a répliqué aux “attaques vulgaires” des avocats des parties civiles, Me Mignard et Me Tordjman.
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Lors de son réquisitoire elle a, sans réelle surprise, requis la relaxe pour Sébastien Gaillemin et Stéphanie Klein, renvoyés devant le TGI de Rennes pour non-assistance à personne en danger sur les personnes de Zyed Benna et Bouna Traoré. Commençant son réquisitoire en rappelant qu’il s’agissait d’un dossier “hors-norme, aux nombreuses étapes contradictoires et beaucoup trop longues”, la procureure Dewailly a rappelé aux familles que “tous les magistrats ont été bouleversés” par ce dossier. Elle a évoqué “une empathie sincère” mais où il n’y a pas eu d’“infraction détectée”.
Face aux familles impassibles
Dans la salle, les familles des victimes demeurent, elles, les bras croisés. Elle s’adressera de nouveau à eux à la fin du réquisitoire : “La mort est un drame dont les parents ne se remettront pas, les yeux embués de larmes, avant de confesser que, la femme est émue, mais le magistrat doit s’en remettre au droit.”
Delphine Dewailly a ensuite énuméré “tout ce dont ce n’était pas le procès” : ni celui de la police nationale, ni celui du ministère de l’Intérieur de l’époque Nicolas Sarkozy. Ce n’était pas non plus celui des mensonges, “oui, des déclarations peuvent varier, chez les policiers comme chez les jeunes”, reconnaît-elle. Pas non plus le procès d’une course-poursuite sans motif, “il est probable qu’ils n’avaient pas de mauvaise intentions, mais ils étaient entrés sur un chantier et une main courante avait été déposée. L’action des policiers était légitime.”
Enfin, et ce fut le moment le plus dur de la journée pour les familles de Zyed et Bouna, la procureure affirma à la salle que ce procès n’était pas celui de l’homicide involontaire. A la défense des policiers, renvoyés devant le tribunal correctionnel, elle a demandé au toujours impassible président Nicolas Léger de ne juger en ne se plaçant qu’au moment des faits, “pas le lendemain, ni dix ans après”.
« On n’intervient pas en Seine-Saint-Denis comme en Bretagne”
La procureure s’est par ailleurs excusée de sa “rudesse nécessaire” auprès des familles mais a assuré que sa “parole était libre”, face aux attaques de Me Mignard, ce matin lors de sa plaidoirie. “Etait-ce de la menace ou de la flatterie lorsque vous évoquiez ma carrière” a-t-elle lancé au ténor du barreau parisien.
Son réquisitoire fut court – 45 minutes. Elle n’a pas ménagé Sébastien Guillemin qui évoquait vouloir “un peu cerner” les jeunes qu’il poursuivait, ce 27 octobre 2015 : “C’est une formulation stupide”, a-t-elle expliqué. Elle a également rappelé que Stéphanie Klein était “une stagiaire un peu perdue” au moment des faits, “à l’écoute de 64 équipages” et que “quatorze policiers plus expérimentés” étaient présents sur place. “Non, ils n’avaient pas conscience du drame. Ou on ne le démontre pas, en tout état de cause”, a-t-elle conclu. Sans avoir, elle, conscience de la maladresse de sa déclaration : “La police n’intervient pas en Seine-Saint-Denis comme dans un quartier pavillonnaire de Bretagne.”
« Dialogue de sourds”
Elle a rappelé, témoignage à la clef de Muhittin Altun – le troisième adolescent – “qu’ils connaissaient le quartier” et les dangers encourus. Enfin elle a rappelé qu’un appel à EDF n’aurait rien changé.
A la sortie de la salle, Me Mignard, l’avocat des familles a rappelé que “l’on avait strictement rien appris de ce réquisitoire et qu’il était attendu”, tout en critiquant “le dialogue de sourds entrepris depuis dix ans avec le ministère public.” A l’inverse, pour l’avocat des policiers, Me Daniel Merchat, “l’espèce de surdité générale s’est dissipée” à travers ce réquisitoire.
Enfin M. Benna, le grand frère de Zyed, a espéré que la déesse de la justice “ne sera pas sourde” reprenant les mots de la procureure qui rappelait que Thémis était aveugle pour être impartiale. Le procès doit se clôturer demain avec les plaidoiries de la défense.
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