La Fondation Guggenheim lance un concours de vidéos sur YouTube. L’occasion de se pencher sur les relations mouvementées qu’entretiennent l’art et le numérique.
C’est un fait : les musées, à l’heure actuelle, font tout pour rester à la page. Ainsi du MoMA qui, peu soucieux des polémiques, faisait récemment l’acquisition saugrenue du symbole @. Une façon pour ses conservateurs, qui ont ainsi fait entrer dans les collections permanentes du plus vieux musée d’art moderne le fameux blason des années 2.0, de créer des liens avec une histoire de l’art récent, notamment avec l’art conceptuel et le mouvement Art & Language.
Plus pragmatique, le musée du Quai Branly à Paris propose une application pour iPad, la première en France – même si la plupart des musées bénéficient déjà d’applications iPhone, organisent des soirées Facebook et se font de la pub sur Twitter.
Mais c’est encore la Fondation Guggenheim – prestigieuse institution dédiée à la création contemporaine, qu’elle égrène de New York à Venise en passant par Bilbao ou Berlin – qui marque le plus beau score en lançant le 14 juin dernier un concours de vidéos sur YouTube. Sélectionnées par un jury prestigieux et pluridisciplinaire (les plasticiens Takashi Murakami et Douglas Gordon, le groupe Animal Collective ou le cinéaste Apichatpong Weerasethakul en font partie), une vingtaine de vidéos seront présentées en octobre au Guggenheim de New York avant d’entamer une tournée européenne. Une sélection plus large, deux cents vidéos de moins de 10 minutes, sera diffusée sur la chaîne You-Tube Play, créée pour l’occasion.
Au total, ce sont plus de six mille vidéos qui ont été postées par les internautes. Pour Nancy Spector, directrice de la Fondation Guggenheim, il s’agit de « donner une chance aux gens qui n’ont pas accès au monde de l’art de voir leur travail reconnu ». Au-delà de cette intention bienveillante, on imagine aussi les avantages que pourrait tirer le musée à créer ainsi le buzz et à s’attirer les sympathies d’un public plus jeune. « Nous cherchons des choses que nous n’avons jamais vues avant », a également concédé la conservatrice en chef, qui n’a sans doute pas tort d’espérer dans cette direction.
Depuis quelques années, YouTube est en effet l’une des plus grandes banques d’images au monde mais aussi le vivier de nouveaux formats vidéo. Les artistes en ont fait un outil de premier ordre, une boîte sur laquelle ils viennent déposer leurs cuts et leurs making-of ou, au contraire, une bibliothèque dans laquelle ils piochent des images readymade pour alimenter leurs propres travaux. En France, c’est le cas de Cyprien Gaillard, Giraud & Siboni ou encore Raphaël Zarka, quand d’autres comme le nerd Alain Della Negra, grand amateur de ces « YouTube battles » plébiscitées par les musées et les écoles d’art, affirme s’en servir davantage comme d’un outil de communication surpuissant qui permet aux vidéos de se propager à une vitesse record.
Enfin, de la même manière que le numérique a considérablement influencé le contenu photographique, le médium YouTube semble lui aussi produire des formats qui lui sont propres, largement liés à l’effet de compétition et de surenchère qui s’exerce sur la plateforme de partage en ligne. Pas un hasard donc si YouTube et ses avatars charrient tout un tas de pratiques mineures et circonscrites qui alimentent largement l’imaginaire des artistes contemporains.