Munie de sa seule clé USB, la blogueuse Yoani Sánchez défie la censure du net exercée par le régime castriste.
Enfant, Yoani Sánchez courait déjà en direction des bruits qui l’effrayaient. “Aujourd’hui, j’avance toujours vers ce qui me fait le plus peur”, reconnaît cette Cubaine de 34 ans, du balcon de son appartement à La Havane.
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En 2007, elle fut l’une des premières insulaires à ouvrir un blog contestataire : Generación Y, chronique décapante de la vie quotidienne, pavé dans la mare de la propagande.
“A cette époque, je savais déjà que je prenais des risques, mais la frustration, le silence, l’indifférence m’étouffaient. Mon blog est devenu un exorcisme”, poursuit-elle.
Sans surprise, son site est rapidement bloqué sur l’île. Ce qui ne l’empêche pas de buzzer à l’étranger. Les médias internationaux récompensent son audace : la Cubaine a déjà reçu le prix de journalisme espagnol Ortega y Gasset, ceux du meilleur blog de la Deutsche Welle et du Time Magazine.
Le 12 mars 2010, journée mondiale contre la cyber-censure, elle était encore nominée pour le prix du Net-citoyen de Reporters sans frontières. Aujourd’hui hébergé en Allemagne, le site bat des records d’audience : 14 millions de pages vues par mois et des milliers de commentaires.
Pourtant, Yoani Sánchez ne possède pas de connexion privée : à Cuba elles sont réservées à de rares privilégiés. Elle prépare ses posts à l’avance sur une clé USB, qu’elle envoie par mail d’un cybercafé (très cher payé). Des amis les publient ensuite à l’étranger.
“Parce que le web n’est pas centralisé, parce qu’il fonctionne en mode viral, il ne peut être contrôlé comme les médias traditionnels, analyse-t-elle. En deux clics, une information censurée se répand sur la toile, sur les téléphones portables.”
Les autorités, déboussolées par cette nouvelle dissidence, ont d’abord laissé faire. Mais depuis quelques mois, la répression s’est accentuée. Surveillée, interdite de sortie du territoire, la blogueuse résistante a été victime d’une séquestration express en novembre dernier. Ce qui ne semble pas l’arrêter.
Hier observatrice des désillusions et des difficultés matérielles de sa génération, Yoani Sánchez n’hésite plus à s’immiscer dans les affaires publiques. En février, l’opposant Orlando Zapata Tamayo meurt en prison. Elle lance un appel au deuil national sur Twitter. Un autre détenu se laisse mourir de faim, elle diffuse une pétition pour la libération de tous les prisonniers politiques.
“A eux seuls, les blogs ne changeront pas le système, reconnaît-elle, mais ils peuvent y participer.” Avec d’autres pionniers de la blogosphère cubaine, Yoani Sánchez a donc initié une académie clandestine du blog alternatif, pour amplifier le mouvement. Et ne plus défier seule ses peurs et ses démons.
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