Pendant trois ans, Yasmine fut l’égérie des vidéos Dorcel. Contrôle total sur la vie privée, tournages sordides en Hongrie, pression mentale et physique: elle raconte.
Vous avez quoi sur le coeur ?
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Yasmine – Un immense ras-le-bol. Le X ne m’a strictement rien apporté, hormis des jaquettes de films qui me poursuivront à vie. C’est une énorme désillusion. Mais je ne regrette pas de m’être engagée dans la voie du X. Lorsque je l’ai fait, Grégory Dorcel (le fils, qui s’occupe des contrats – ndlr) m’a dit : « On va faire de toi une star, et même quand tu arrêteras on t’aidera, on est une famille, on ne te laissera pas tomber. » J’ai signé pour trois ans chez eux, mais depuis que je ne suis plus liée à cette compagnie, je n’ai pas eu la moindre nouvelle.
Vous avaient-ils fait des promesses qui étaient garanties par un contrat écrit ?
Pas au sens formel du terme. D’après eux, il s’agissait d’un engagement moral fort. Suite à ma décision d’arrêter le X, je les ai rappelés : ils étaient sans cesse occupés, jamais joignables. Je peux comprendre qu’ils aient beaucoup d’affaires à gérer vue l’étendue de leur business, c’est quand même une grosse boîte. Mais j’aurais aimé qu’ils m’aident ; j’ai un nom, j’aurais voulu développer la « marque » Yasmine, exploiter des produits dérivés, faire un livre, que sais-je encore, simplement pour vivre et continuer d’exister.
Votre ego en a pris une claque ?
Forcément. Du jour au lendemain, je suis sortie de la lumière. Je ne suis plus rien alors que l’on continue à me dire « j’adore tes films », sur internet ou dans la rue.
Vous avez arrêté en février 2009. Pourquoi ?
J’ai démarré il y a cinq ans maintenant, chez VCom, et j’ai mis fin à ma carrière d’actrice quand la maison Dorcel a voulu me faire signer pour la quatrième année consécutive. J’ai refusé parce que je devais travailler autant en étant moins payée. Au bout d’un moment, ça suffit : on n’est pas des objets même si la plupart des gens le pensent.
Il y avait également trop de pression : on se retrouve en représentation permanente, même dans la vie personnelle. Ils m’interdisaient de sortir sans maquillage, contrôlaient mes fréquentations avec surveillance de loin, savaient toujours où j’étais. Puis ils m’ont reproché d’avoir maigri. « Si tu ne reprends pas du poids, on te vire direct ! » J’avais beaucoup perdu à cause de la pression mentale et physique, de l’excès de travail, je n’avais plus le temps de manger.
Pression et dépression ?
Exactement. J’ai dû ensuite me gaver comme une oie et prendre un antidépresseur puissant afin de pouvoir grossir. Je suis devenue dépendante et je me sentais très mal. Je n’ai jamais touché à la drogue, contrairement à ce qu’ils croyaient. Ils m’ont dit : « C’est pas possible, tu te défonces, on n’arrive pas à te retoucher sur les jaquettes de DVD. »
Dorcel domine le marché français du X…
Quand je travaillais encore pour eux, ils faisaient 13 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel. C’est un petit empire, distribué dans cinquante-six pays, 50 % des Français connaissent la « marque au toucan ». Ils ont lancé la première VOD (vidéo à la demande – ndlr) en France, créé leur propre chaîne, Dorcel TV…
Ils auraient pu vous proposer d’être présentatrice.
Je l’ai fait quand j’étais leur égérie, mais depuis que j’ai décliné leur proposition de contrat, plus rien.
Vous leur en voulez ?
Ah oui ! Parce que j’ai certes un nom mais aucun contact sérieux. Je rencontre des gens dans les soirées mais on ne m’a proposé que des films, encore et encore.
Combien en avez-vous tourné ?
A peu près vingt-cinq, à raison d’une ou deux scènes par film, chaque scène demandant trois à quatre jours d’un travail que les gens croient facile mais qui est en réalité très éprouvant.
Ça fait donc cent jours de tournage en trois ans. Ça ne paraît pas colossal.
Ce qui l’est, ce sont les multiples salons érotiques où on vous sollicite en permanence, ou les apparitions médiatiques jusque dans les plus petites radios locales. Les salons se tiennent beaucoup à l’étranger, Las Vegas, Berlin, Barcelone puis Madrid, à peu près partout en Europe, dans les pays de l’Est aussi.
Combien gagniez-vous au début ?
J’étais chez VCom, la seule entreprise qui propose un salaire aux actrices pour faire de la visioconférence sur internet. Là, on exécute ce que les abonnés nous demandent de faire à l’image, dans les limites de la loi. Je m’exhibais trois heures par jour, week-end compris, et gagnais 1 000 euros par mois. Je ne touchais aucun pourcentage et n’avais aucun moyen de vérifier ce qu’ils touchaient grâce à moi.
Il y a donc une opacité incroyable dans ce business.
Ça oui, on peut le dire… Les actrices – les acteurs aussi – font tout et ce sont elles et eux qui gagnent le moins d’argent. Seuls les producteurs et ceux qui gravitent autour ramassent du fric, ils ont de très belles maisons pendant que les X girls galèrent.
C’est chez VCom que votre cote commence à monter ?
Oui, c’est à cette période que Dorcel m’a repérée. Je faisais un salon à Berlin. J’adore l’ambiance des salons, les contacts, d’autant plus que le travail ne vient jamais tout seul, c’est à toi d’aller à la rencontre des producteurs. Il faut se montrer le plus possible pour prouver qu’on existe.
Ce qui me fait doucement rigoler, c’est qu’ils osent appeler ça « la famille du X » alors que tout y est d’une hypocrisie sans nom. Si tu ne participes pas à leurs soirées, si on ne te voit pas lors de certains événements précis, c’est même pas la peine de continuer.
Je tiens à préciser qu’on ne m’a jamais forcée à entrer dans le porno.J’ai fait exactement ce que j’avais envie de faire. Je ne pleure pas aujourd’hui parce que la terre entière peut me voir dans des films de cul. Je suis exhibitionniste, j’aime le sexe. Je fréquente encore les boîtes échangistes. Je ne renie absolument rien, là n’est pas le problème.
Maintenant, je sais pourquoi je suis devenue hardeuse. J’ai suivi une thérapie. Ma mère et ma grand-mère ont toutes deux été violées. Pas moi, mais j’ai subi des attouchements sexuels, notamment de mes cousins. Au départ, je ne savais pas que j’étais « motivée » par le viol de ma mère, mais lorsque j’ai découvert ce qui lui était arrivé, tout comme à sa propre mère, j’ai comme voulu dire « stop » ! Je serai responsable de ma sexualité, personne d’autre n’aura le droit d’interférer.
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