Un essai collectif redonne voix à l’inégalé Yann Paranthoën. Un hommage enlevé à celui qui renouvela la langue du documentaire radiophonique.
A ceux qui trouvent trop absolu l’éloge permanent fait à Yann Paranthöen depuis sa mort en 2005, il sera répondu qu’avec ce sorcier énigmatique et doux, la radio tient l’un de ses seuls mythes.
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Sans doute a-t-elle tout avantage à s’incarner dans un personnage capable autant de doper les imaginaires que de stupéfier par la maîtrise de son art.
Compositeur sonore (pour ne pas dire “producteur”) à Radio France dès 1957, Yann Paranthoën fut de ceux dont l’aura dépasse l’histoire et dont le nom s’écoute comme une signature. Un véritable alchimiste acoustique qui, disposant pourtant des mêmes outils que chacun (le micro, la bande, les ciseaux), inventa un nouveau langage radiophonique.
L’essai que lui consacre Christian Rosset se propose donc de repositionner le curseur dans le domaine du sensible et du déploiement des idées, à un moment où les questions techniciennes (débats délirants autour de la radio numérique terrestre, comptabilisation des podcasts, etc.) trustent les esprits.
“Mon but n’était pas de dresser le tombeau nostalgique d’une époque merveilleuse qui ne serait plus, souligne l’auteur, mais plutôt d’interroger les pratiques actuelles.”
Yann Paranthoën, l’art de la radio se conçoit comme une halte de quelque 150 pages pendant laquelle Christian Rosset et ses cosignataires (d’Alain Veinstein à Jean-Bernard Pouy) réévaluent les possibles de la radio d’expression donnant au réel une ampleur inédite en portant l’écoute à son incandescence.
“Inventer ce qui existe (…), traduire la vie en signes et qu’elle reste la vie, c’est un boulot de chien”, tel que l’écrit le dessinateur Emmanuel Guibert dans sa contribution.
Tout au long de ce que l’on appellera une oeuvre (de nombreuses livraisons pour l’Atelier de création radiophonique et Les Nuits magnétiques mues par une même exigence), Yann Paranthöen s’est donc battu contre les formats précontraints et les idées toutes faites.
En premier lieu en choisissant des sujets qui revendiquaient une certaine “inactualité” et ne tenaient d’aucune obligation journalistique : les femmes de ménage de Radio France, les rites de mort en Bretagne, un phare. Puis en les magnifiant grâce à un sens exceptionnel de la composition sonore, quasi pictural.
Si on le relève d’un art du montage imprévisible et d’une utilisation des voix comme matière vivante et joueuse, on obtient des chefs-d’oeuvre comme Lulu ou Questionnaire pour Lesconil (présent en CD-bonus dans l’ouvrage).
Autant d’essais sans concession avec l’attente présumée de l’auditeur, porteurs d’une humanité jamais lénifiante.
Artiste à la vie possédée, Yann Paranthoën fut aussi celui qui s’adossa à l’institution Radio France, pour imposer une personnalité singulière : solitaire et secret, travaillant à son rythme en suivant ses intuitions, revendiquant sa “bretonnité” comme ferment régulier de son travail.
“En fait, je ramasse des sons. C’est un métier qui n’existe pas trop”, déclara un jour celui qui pourtant en inventa l’alpha et l’oméga.
Yann Paranthöen, l’art de la radio, sous la direction de Christian Rosset (Editions Phonurgia Nova, avec DVD et CD), 156 pages, 36 € (prix de lancement ; 49 € à partir du 25 février). http://phonurgianova.blog.lemonde.fr
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