Lundi soir, au Cabaret Sauvage, dans une salle comble, se tenait la quatrième cérémonie des Y’a bon Awards. Celle-ci, organisée par l’association Les Indivisibles, récompense les déclarations les plus racistes de l’année, en décernant des peaux de bananes dorées. L’idée est de combattre par l’humour les dérapages dans la sphère politique et médiatique.
La cérémonie des Y’a bon Awards épingle encore une fois de nombreux journalistes, politiques et intellectuels qui se sont illustrés durant l’année écoulée par des déclarations jugées racistes. Un jury paritaire composé de journalistes (Denis Robert, Nadir Dendoune) d’intellectuels (Pascal Boniface), de musiciens (le DJ Cut Killer), et d’hommes et de femmes engagés dans la lutte contre le racisme a remis six prix pour des propos qui « confortent la violence ordinaire » d’après les mots de l’organisateur Bader Lejmi. Ce dernier a également souligné le climat délétère qui règne dans un pays où, selon les mots de l’association, « le racisme est toujours aussi normal sous une présidence normale ».
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Traditionnellement, tout comme lors des Razzie Awards ou des Gérard du cinéma, aucun des vainqueurs ne vient chercher son prix. Cependant, Christophe Barbier, ancien lauréat, était présent. Plutôt à l’aise malgré des sifflements du public, il est venu chercher une banane d’or pour des prix décernés en 2010 et en 2012 pour ses propos sur les Français des Antilles qui « veulent travailler à l’antillaise et consommer à la métropolitaine » et sur l’affaire des hamburgers halal de Quick. Le directeur de la rédaction de l’Express s’est ensuite expliqué sur les unes provocantes de l’Express : « [elles] ont la vertu qu’ont les petites soupapes sur les cocottes-minutes : ça évite justement d’exploser ». Et de conclure : « au moins, on ne peut pas nous reprocher de ne pas mettre du vinaigre sur la plaie ».
1. Prix « Super Patriote »
Véronique Genest, alias Julie Lescaut, épinglée ici pour ses propos du 17 septembre 2012 dans l’émission de Jean-Marc Morandini sur NRJ12 Vous êtes en direct :
« J’ai dit que je trouvais l’islam dangereux pour notre démocratie et qu’il nous le prouvait tous les jours. »
« Alors tout de suite : ‘Islamophobe ! Raciste !’, alors moi j’ai réfléchi. J’ai réfléchi et je me suis dit : « Islamophobe. Islamophobe ça veut dire c’est la phobie c’est la peur. C’est bien ça ? Alors effectivement peut être je suis islamophobe. Ce soir je fais mon coming out : oui probablement que je suis, comme beaucoup de français, islamophobe ».
Le soir même, sur son compte Twitter, l’actrice a répondu à un internaute en qualifiant le prix reçu de « prix décerné par des cons ».
2. Prix « Retourne chez ta mère »
Franck Tanguy reçoit la banane d’or – battant notamment Manuel Valls et Christian Estrosi – pour ses propos tenus pendant l’émission Les Grandes Gueules le 11 décembre 2012 sur RMC : « Très franchement, quand je vois un barbu en djellaba qui traverse au feu rouge, j’ai envie d’accélérer ».
3. Prix « Territoires perdus de la République »
Sans grande surprise, il échoit à Jean-François Copé pour sa célèbre sortie « du pain au chocolat » pendant son discours de campagne à la présidence de l’UMP le 5 octobre 2012 sur les « voyous » qui ne veulent pas qu’on mange pendant le ramadan.
« Il est des quartiers où je peux comprendre l’exaspération de certains de nos compatriotes pères et mères de famille rentrant du travail le soir apprenant que leurs fils s’est fait arracher son pain au chocolat à la sortie du collège par des voyous qui lui explique qu’on ne mange pas pendant le ramadan ».
4. Prix « Au bon vieux temps des colonies »
Le député du Var Jean-Sébastien Vialatte a lui reçu le prix « Au bon vieux temps des colonies ». En cause, son tweet du 13 mai 2013, supprimé depuis : « Les casseurs sont sûrement des descendants d’esclaves ils ont des excuses #Taubira va leur donner des compensations ».
5. Prix « Racisme à peine voilé »
Elisabeth Badinter, est récompensée pour un extrait de son interview à Elle du 20 mars 2013. La philosophe féministe avait déclaré au magazine :
« D’un côté, on commémore les victimes de Mohamed Merah et on veut combattre l’islamisme radical et de l’autre on laisse faire l’entrisme de ces islamistes dans des crèches de quartier. Il faut absolument réagir très vite ».
6. Prix « Pour l’ensemble de son œuvre »
Un prix d’honneur a été remis à Elisabeth Levy, directrice de la rédaction à Causeur pour l’ensemble de son oeuvre qui selon M. Lejmi « cumule toutes les tares ». Les propos dénoncés sont notamment les suivants :
« Quiconque a déjà voyagé dans une rame entouré de gens vêtus de boubous ou de djellabas devrait avoir l’honnêteté de partager ce constat. Il est évidemment permis − voire vivement conseillé − d’apprécier bruyamment cet exotisme à domicile. »
(Causeur, 2013)« On a affaire à des caïds, des malfrats, des cland’… des clients de cour d’assises d’accord ? Qui tirent sur les flics sans aucune hésitation. S’il y en a un qui meurt, excusez-moi je n’aurai pas une larme. J’en suis navrée mais c’est comme ça. Toute mort est certainement triste mais c’est comme ça. (…) Vous avez tous ces gamins qui sont en quelque sorte obligés, disons par cette pression et par la loi du quartier, d’aller casser des équipements dont ils sont les bénéficiaires, d’aller brûler des bagnoles… Là, maintenant il faut y aller avec l’armée ! On est en situation de guerre ! »
(RTL 19/07/2010)« Croit-il vraiment que des gamins et moins gamins qui ne peuvent prononcer une phrase entière sans dire « nique », « ta race », « chien » et bien d’autres gracieusetés encore et qui annoncent tous les deux paragraphes qu’ils vont « tuer un bâtard » sont si sensibles au beau langage qu’ils n’ont pas supporté la « racaille » et le « karcher » et qu’animés par une légitime révolte devant de tels écarts, ils ont brûlé les voitures de leurs parents et l’école maternelle de leurs petits frères ? »
(Le Monde, 11/01/2010)
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