L’encyclopédie collaborative en ligne est le théâtre de réécritures partisanes jusque dans les bureaux des ministères qui se croient anonymes. A tort.
Aurait-on encore un peu de mal à comprendre comment fonctionne l’internet au ministère de la Culture ? Leçon n° 1 : au même titre que le téléchargement illégal d’un morceau sur le net, la modification d’un article sur Wikipédia laisse des traces. Mise en situation : apporter quelques retouches à un écrit pour mieux coller avec la ligne officielle, c’est mal. Le faire à partir d’un ordinateur du ministère de la Culture sans prendre ses précautions, c’est stupide. Ainsi, comme le révèle le blog Tech/notes, le 14 février dernier, un émissaire de la rue de Valois s’attaquait à l’article “Hadopi” de Wikipédia en réinterprétant à sa manière la portée de l’amendement 138 – le texte proposé par l’eurodéputé socialiste Guy Bono qui vient à l’encontre du principe de riposte graduée. L’adresse IP (sa signature électronique) laissée derrière lui (proxy-valois.culture. fr) identifie clairement le commanditaire de la chose qui n’a visiblement pas assisté aux cours sur la démocratisation des outils permettant de retracer les modifications d’articles sur le site.
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Pas au courant non plus, le ministère de l’Intérieur, dont un agent a tenté à plusieurs reprises, dans le courant du mois de mars, de supprimer la référence à un article de Rue89 dans la bio Wikipédia du secrétaire d’Etat Alain Marleix (l’article révélait que la fille de ce dernier allait bénéficier d’un piston pour décrocher un poste à la Sorbonne).
Parmi les outils permettant de tracer chaque modification du site, le WikiScanner, un système mis au point par un étudiant californien en 2007, qui permet d’identifier les contributeurs de l’encyclopédie en ligne en comparant leurs adresses IP avec celles des listes d’entreprises ou d’administrations aux Etats-Unis. A l’époque, le résultat avait été saisissant : des entreprises ayant coupé des paragraphes délicats les concernant, la CIA ou des membres du Congrès effaçant ou corrigeant certains éléments…
Mais la tentation de réécriture est grande car Wikipédia est une référence majeure pour l’opinion publique comme pour les journalistes, qui ne remettent souvent pas en cause la fiabilité de l’encyclopédie en ligne. Ainsi, le 29 mars dernier, jour du décès de Maurice Jarre – pour les besoins d’un exposé démontrant la dépendance des journalistes au net – un étudiant irlandais parvenait à publier sur la page Wikipédia du compositeur français une fausse citation… reprise les jours suivants par de nombreux médias internationaux dont les prestigieux The Guardian et The Independent.
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