L’encyclopédie en ligne vient de révéler le secret d’une intrigue de la romancière britannique. Un secret jusque-là bien gardé par une salle de théâtre de Londres.
Un secret religieusement gardé qui soudainement éclate au grand jour sur Internet. Comme si Wikileaks faisait des petits. Voilà en résumé l’affaire qui fait aujourd’hui trembler les planches de la scène du vieux théâtre londonien de Saint Martin.
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Depuis plus de trente ans, cette petite salle nichée au cœur du West End propose à ses spectateurs une pièce unique, The Mousetrap, tout droit sortie de l’imaginaire d’Agatha Christie, reine de l’intrigue sauce british. Ecrite en 1947, La Souricière (titre français) est une œuvre inspirée d’un vieux fait divers : la mort, en 1945, d’un jeune homme alors qu’il séjournait chez des fermiers du Shropshire.
Tripatouillant l’affaire, Agatha Christie en fît une pièce moulée parfaitement pour un bon vieux Cluedo en mettant en scène plusieurs personnages sous le toit d’un vieux manoir. Naturellement, l’un d’eux meurt ; naturellement, le meurtrier est parmi le reste de la bande. Ca sent fort le pudding, le chandelier du Colonel Moutarde, le valet de chambre victorien et la moustache de Poirot. Comme on aime.
Pour préserver le secret, la pièce n’est jouée que dans un seul théâtre
Rédigée au départ pour être racontée sur les ondes de la BBC, la pièce a finalement été adaptée pour le théâtre en 1952 à Londres, avec notamment Richard Attenborough au casting. Depuis, la pièce a été jouée près de 24000 fois dont une bonne partie sur les planches du théâtre de Saint Martin, qui a acquis ses droits « exclusifs » en 1974. En clair, la pièce ne peut être jouée qu’une fois par an hors les planches du théâtre de West End. Le motif de cette clause : protéger le secret de l’intrigue de La Souricière.
Pour préserver au mieux le nom du meurtrier, le théâtre de Saint Martin a recours à un procédé encore plus subtil. A chaque représentation, le public donne son accord pour ne pas révéler les ressorts de la pièce. Une condition qui permet de ne jamais tarir la source de nouveaux spectateurs.
Voguant tranquille sur son succès, le théâtre subit aujourd’hui les maudites affres de l’Internet. Sur le site Wikipédia, la fiche référençant la pièce met à mal le fameux secret en lançant quelques perches permettant de trouver facilement le nom du coupable.
Extrait de la forfaiture dans la version anglaise de la page Wikipédia :
« A la faveur d’un retournement de situation, le meurtrier se révèle être X (nous vous épargnons ici le nom du Mauvais) qui en réalité n’est pas un … mais un tueur fou dont l’unique but est de venger la mort de son frère. »
Comme une pique adressée à la direction du théâtre Saint Martin, la note explique bien au préalable que « traditionnellement, à la fin de chaque représentation, il est demandé au public de ne pas révéler l’identité du meurtrier. »
L’affaire fait tressaillir le théâtre londonien, tant est si bien que Mattew Pritchard, petit-fils et unique héritier d’Agatha Chritie, a demandé à Wikipédia de retirer le brûlant passage de la note.
« Cela a toujours dérangé ma grand-mère de voir que les fils de ses intrigues puissent être révélés dans les journaux – et je ne pense pas que cette situation soit vraiment différente. C’est dommage qu’une publication, si je peux l’appeler ainsi, gâche le suspense de la pièce », a-t-il déclaré.
Le quotidien The Independant, qui relaie les propos du légataire d’Agatha Christie, indique par ailleurs qu’une pétition a été lancée pour demander à ce que Wikipédia retire les lignes incriminées.
La double position de Wikipédia
De son côté, Wikipédia ne semble pas sourciller face à cette montée au créneau. Un dirigeant de l’encyclopédie en ligne réagissait lénifiant :
« Notre objectif est de récolter et de divulguer des connaissances et dans ce cas, il est extrêmement facile de contourner la vérité sur l’assassin : il suffit de ne pas lire la partie concernée. Demander à Wikipédia de ne pas révéler l’intrigue équivaut à demander à un libraire de retirer ses rayons le copies de La Souricière sous prétexte qu’on pourrait y aller pour lire le final. »
En attendant, pour ceux qui préfèrent ménager le suspense avant d’éventuellement faire le trajet jusqu’à Londres pour voir la pièce, la page française de Wikipedia ne donne aucun indice sur l’identité du meutrier.
Article mis à jour le 02/09/2010 : retrait de la réaction d’un membre du comité d’arbitrage de Wikipédia.
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