Fallait-il attendre les révélations contenues dans les 250 000 notes diplomatiques (la correspondance échangée entre le département d’Etat à Washington et ses ambassades entre 2004 et 2010) exhumées par le site WikiLeaks, et relayées par cinq journaux prestigieux – Le Monde, The New York Times, The Guardian, Der Spiegel, El Pais – pour que la connaissance […]
Fallait-il attendre les révélations contenues dans les 250 000 notes diplomatiques (la correspondance échangée entre le département d’Etat à Washington et ses ambassades entre 2004 et 2010) exhumées par le site WikiLeaks, et relayées par cinq journaux prestigieux – Le Monde, The New York Times, The Guardian, Der Spiegel, El Pais – pour que la connaissance des enjeux géopolitiques soit à ce point bouleversée ?
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Les citoyens enfin informés des secrets des arcanes diplomatiques s’étonneront-ils devant la masse de ce que leur apprend le site fondé en 2006 par le sulfureux Julian Assange et ses « whistleblowers », ces lanceurs d’alerte qui veulent « libérer« l’information de ses carcans ? La volonté de transparence et de partage de l’information – vertu ô combien démocratique – autorise-t-elle de détourner les règles non écrites du secret en diplomatie ?
Les questions que pose la nouvelle « sortie » du site alternatif associé aux journaux traditionnels, comme la fusion du « vice » et de la « vertu » journalistiques, se concentrent autant sur l’intérêt relatif du contenu des informations que sur la démarche adoptée par des médias (Internet et papier) enfin réunis dans une alliance productive.
Apprendre que l’ambassade américaine juge Sarkozy « susceptible« et « autoritaire« , que le conseiller diplomatique de l’Elysée Jean-David Levitte qualifie le président vénézuélien Hugo Chavez de « fou » et l’Iran d’Etat « fasciste », que Poutine manque de vision politique, que la Chine est crainte de tous les pays occidentaux, qu’Angela Merkel est « rarement créative« …, tient plus d’une logique de confirmation d’évidences diplomatiques que d’un basculement des certitudes.
Plutôt qu’une déflagration, on découvre ici une simple déformation de la langue de bois diplomatique, par essence lisse et sans saveur. Rien de très neuf sous le soleil de WikiLeaks ne semble donc se dessiner, même si Le Monde promet dans les jours qui viennent des révélations croustillantes.
Pour sa directrice de la rédaction, Sylvie Kaufmann,
« Le Monde a considéré qu’il relevait de sa mission de prendre connaissance de ces documents, d’en faire une analyse journalistique, et de la mettre à la disposition de ses lecteurs. »
Le Monde a veillé à éditer les textes bruts et à retirer tous les noms et indices dont la divulgation pouvait entraîner des risques.
Très discutée ces temps-ci, « l’éthique« du journalisme (cf. Cyril Lemieux, La subjectivité journalistique, Eric Rohde, L’éthique du journalisme, François Jost, Les médias et nous) offre avec l’affaire WikiLeaks un nouveau cas d’école. En quoi Le Monde juge t-il nécessaire de publier ces notes diplomatiques alors qu’il se refusait de révéler l’été dernier les confessions du majordome de Mme Bettencourt ? Au nom de quoi une information cachée mérite-t-elle plus qu’une autre de sortir ?
La puissance subversive de WikiLeaks touche autant au déplacement qu’elle provoque au sein de l’échelle des valeurs journalistiques qu’au désordre qu’elle entraîne dans les ambassades du monde entier.
Jean-Marie Durand
{"type":"Banniere-Basse"}