Financé par crowdfunding, ce mook lesbien politique et culturel sort son premier numéro ce vendredi. En pièces fortes : un texte cinglant de Virginie Despentes, une interview-fleuve de Céline Sciamma, en une.
“Well Well Well, la revue lesbienne.” Six petits mots ornent la couverture du nouveau mook (un mélange entre magazine et livre), juste ce qu’il faut pour que le message soit clair. Well Well Well est une revue faite par des filles, pour les filles qui aiment les filles. Le sujet de une est consacré à Céline Sciamma. Shootée par Dorothée Smith, chemise en jean, blouson en cuir, demi-sourire en coin, la réalisatrice de Tomboy se confie dans une interview de 10 pages, entre promo de son prochain film Bande de filles et confidences intimes.
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Sincère et bien dans sa peau, elle incarne à merveille le mook porté par la journaliste Marie Kirschen, ancienne rédactrice de Tetue.com, et son équipe d’une trentaine de collaboratrices (dont Géraldine Sarratia des Inrockuptibles). Le choix de faire une revue lesbienne s’est imposé de lui-même.
“Ça fait vingt ans que les garçons gays ont un très beau magazine en kiosque (Têtu, ndlr), mais il n’y avait rien de la sorte pour les filles. Du coup on a lancé cette revue, qui sera encore mieux qu’un magazine, avec une super maquette, et vendu en librairie”, nous explique-t-elle
Il faut dire que le rendu final est particulièrement travaillé. L’esthétique est épurée, on privilégie une police sobre, en noir sur fond blanc, qui fait ressortir les nombreuses photos qui rythment les pages. Si certains articles se veulent politiques (retour sur les dégâts causés par la Manif pour tous l’an dernier, l’abandon de l’ouverture de la PMA aux couples de lesbiennes par le gouvernement, une interview de Noël Mamère), Well Well Well fait la part belle à la culture. “C’est vrai qu’il y a beaucoup d’interview d’artistes, souligne Marie Kirschen, c’est axé culture, mais on a surtout présenté nos coups de cœur.” Ces coups de cœur sont la photographe sud-africaine Zanele Muholi, la bédéiste Alison Bechdel, la porn star Jiz Lee, la réalisatrice Su Friedrich, mais aussi Virginie Despentes, qui signe une tribune « invitée » à la fois cynique et engagée, comme elle seule en a le secret.
De la difficulté de parler à ‘toutes” les lesbiennes
Ce n’est pas pour autant que Well Well Well revendique une approche désabusée de la représentation des lesbiennes dans l’espace public. L’impulsion se veut extrêmement positive. Le but est justement de créer un nouvel espace entièrement dédié aux lesbiennes, qui sont depuis toujours fortement sous-représentées dans les médias. Une initiative soutenue par un fidèle public, alors même que le premier numéro n’est pas encore sorti (il faudra patienter jusqu’au 12 septembre).
Si le mook existe aujourd’hui, c’est en effet grâce au succès de la campagne de financement participatif lancée en décembre 2013 sur le site Ulule. L’objectif des 10 000 euros escomptés est atteint en 15 jours. Au final, les jeunes femmes ont réussi à récolter plus de 17 000 euros en trois mois, grâce à 427 contributeurs/trices. De quoi imprimer sereinement le mook (un coût de plus de 8 000 euros d’après la page Well Well Well du site de crowdfunding Ulule.com) et de le proposer entièrement sans publicité. Le reste du travail est fait bénévolement par les rédactrices.
Reste la question épineuse de la représentation des lesbiennes à l’intérieur même du magazine, comme le soulève Marie Kirschen dans son édito. “Comment s’adresser à toutes ces femmes qui viennent d’horizons si différents ?” Well Well Well s’en sort haut la main. La revue prend soin de varier les sujets, les cultures et les époques. On pense notamment au papier de la journaliste Léa Lootgieter, qui a retracé la vie de trois lesbiennes dans les années 1950-60. Une claque.
Le numéro 1 de Well Well Well, disponible dès le 12 septembre en librairies parisiennes et sur commande sur Internet dans le monde entier. 15 €.
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