Cette série audio met en ondes le quotidien inquiétant de Night Vale, petite ville imaginaire du fin fond de l’Amérique où les plus folles théories conspirationnistes deviennent réalité. Véritable phénomène sur internet, le podcast débarque en France en octobre.
Si vous n’êtes pas un amateur de podcasts anglophones ou un bloggeur Tumblr type « Fandom »(1), il est probable que vous n’en ayez jamais entendu parler. Pourtant, Welcome To Night Vale est l’un des podcasts les plus téléchargés sur iTunes et est actuellement en tournée mondiale, avec un spectacle prévu au Café de la Danse le 31 octobre.
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WTNV est un podcast américain bimensuel, présenté comme la radio communautaire d’une petite ville imaginaire perdue au milieu du désert où, selon Joseph Fink, créateur avec Jeffrey Cranor de la série, toutes les théories conspirationnistes sont non seulement réelles, mais font partie du quotidien de ses habitants.
« Une sympathique communauté dans le désert, où le soleil brille, la lune est belle, et de mystérieuses lumières volent au-dessus de nos têtes pendant que nous faisons tous semblant de dormir. Bienvenue à Val-de-Nuit… » ainsi commence l’émission…
Mais l’idée de départ ne suffit pas à expliquer le concept de cette série audio hors norme, « bizarre et impossible à décrire à tes amis » comme s’en amuse Fink. Dans WTNV, des anges viennent aider à changer les ampoules, la journée de mercredi peut être annulée à cause d’une erreur de programmation et un dragon à cinq têtes peut aussi décider de se présenter aux élections municipales.
« Les nouvelles locales de Twin Peaks »
Un goût pour l’étrange et l’absurde qui a poussé The Guardian à décrire le podcast comme les « nouvelles locales de Twin Peaks ». Selon un journaliste du Dallas Morning News, Night Vale serait plutôt « la rencontre entre la NPR [la radio nationale publique américaine] et la Prophétie des Ombres« .
Appartenant à une certaine mouvance gothique américaine allant de H.P. Lovecaft, le maître de la SF d’horreur, à Lemony Snicket, l’auteur fictif des Désastreuses Aventures des orphelins Baudelaire, Night Vale est moins un melting pot de ces influences que la création d’un genre à part entière, ressuscitant de manière innovante la forme un peu désuète de la fiction radio comme on en trouvait surtout aux débuts de la BBC.
Un animateur radio surprenant… et définitivement attachant
Le podcast est porté par l’excellent Cecil Baldwin, qui donne sa voix à son personnage éponyme – sorte de « double Night Valien » et unique animateur de la station. A travers lui, nous découvrons cette petite ville, typique à première vue de l’Amérique des suburbs, ses curiosités – ou plutôt bizarreries – locales, et ses habitants. Au cours de l’émission, il peut parfois laisser la parole à des invités, notamment au scientifique fraîchement arrivé en ville ou encore à la Vieille Dame sans visage qui vit secrètement chez vous. A force de questions et d’énigmes qui s’adressent directement à l’auditeur, l’animateur parvient à intégrer celui-ci dans son récit et à en faire un citoyen de Night Vale parmi d’autres.
Chaque épisode (il en existe aujourd’hui une cinquantaine), dure de 25 à 30 minutes, et respecte une structure similaire. Il commence par une sentence obscure, destinée à déstabiliser l’auditeur (“Ne regrettez rien, jusqu’à ce qu’il soit trop tard. Dès lors, regrettez tout.”), le rassurer (“Fermez les yeux. Laissez mes mots vous submerger. Vous êtes en sécurité maintenant. ») ou encore le mettre en garde (“Le policier à cette intersection ne régule pas la circulation : c’est un message codé urgent pour nous tous”).
Puis Cecil enchaîne de sa voix suave le récit d’événements plus invraisemblables les uns que les autres d’un ton imperturbable qui participe à l’humour absurde de l’émission. Tour à tour, Baldwin interprète différents types de reporter radio. Mais les infos trafic glissent immanquablement vers un questionnement existentiel, et les actus deviennent l’occasion pour l’animateur d’exprimer avec enthousiasme son opinion personnelle…
Au fond, c’est parce qu’il n’est pas un si bon présentateur que les gens ont tant accroché à l’émission, selon Baldwin : au fil des épisodes, Cecil charme par son honnêteté et sa franchise, et crée une relation d’intimité avec ses auditeurs, en laissant transparaître ses émotions avec sincérité ou en commentant sa vie privée sur les ondes.
Un phénomène mondial initié par Tumblr
Le succès rencontré par Night Vale est inespéré : un an après sa création, le podcast passe soudainement au rang n°1 des charts US en juillet 2013, à la grande surprise de ses créateurs : « Ça nous a pris une semaine pour comprendre que nous avions, d’une manière ou d’une autre, explosé sur Tumblr, et nous ne savons ni comment, ni pourquoi c’est arrivé. » selon Fink. WTNV a profité du phénomène de bouche-à-oreille de cette plateforme de microblogging, très performante avec son système de reblog (qui permet de partager un article avec tous ses followers d’un coup sur leurs tableaux de bord).
Une émission accessible aux Français ?
Depuis, WTNV se maintient dans le top 10 aux USA, au Canada et en Grande-Bretagne, et c’est la première fois qu’un podcast rassemble une communauté aussi importante, comptant des dizaines de milliers de fans à travers le monde. Cependant, il reste encore méconnu en France, se maintenant à peine dans le top 100, ce qui pose la question de son accessibilité à un public non anglophone…
Téléchargeable gratuitement sur iTunes, disponible sur Soundcloud et Podbay, des fans ont également réalisé des transcripts pour faciliter l’écoute, et certains proposent même des traductions amateurs sur YouTube ou sur un forum francophone.
WTNV nécessite effectivement une initiation patiente, mais au combien récompensée : rebutant et difficile d’accès au premier abord, on se prend vite au jeu et on finit par se croire un peu citoyen de cet univers parallèle où l’étrange est la norme, le surnaturel une expérience quotidienne, et où la paranoïa relève du simple bon sens.
Night Vale, bien plus qu’un podcast
L’expérience ne se limite pas au podcast : WTNV est aussi présent sur Twitter avec plus de 20 000 followers, et use avec brio du format de 140 caractères. De déconcertant à absolument terrifiant, chaque tweet est comme un petit aperçu du podcast lui même, et joue souvent sur des chutes impromptues ou des mises en garde menaçantes au lecteur. La page Facebook compte quant à elle plus de 160 000 likes.
Depuis le début de cette année, ses créateurs ont donc décidé de l’adapter en spectacle. Avis aux amateurs d’humour absurde et de fantastique : Après une tournée américaine réussie, Night Vale fera un stop lors de sa tournée européenne à Paris, le 31 octobre au Café de la Danse, soir d’Halloween.
(1) Contraction de ‘fanatic’ et ‘kingdom’, littéralement ‘royaume des fans’.
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