« Welcome » : la polémique s’envenime

Il y a tout juste deux ans, Eric Besson, un député PS sans histoire, publiait un ouvrage intitulé Les Inquiétantes Ruptures de M. Sarkozy,  pamphlet où il attaquait vivement le ministre de l’intérieur et candidat à la présidentielle d’alors, notamment sur sa politique d’immigration. Depuis, Besson a, comme on le sait, passé l’arme à droite. Et la forme comme le fond ont brutalement changé. Nous vous faisions part la semaine dernière de son engouement pour le nouveau film de Philippe Lioret, Welcome, qui relate les ennuis rencontrés par un maître-nageur calaisien (Vincent Lindon) pour avoir recueilli un immigré clandestin kurde. Il semble ces jours-ci que le bel enthousiasme publicitaire du ministre ex-PS est retombé.

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Depuis, il y a surtout eu cet entretien de Philippe Lioret dans La Voix du Nord, où le réalisateur de Je vais bien ne t’en fais pas déclarait : « Si demain, vous voulez rendre service à un mec qui n’a pas de papiers, vous tombez sous le coup d’une « aide à personne en situation irrégulière »… Dans quel pays on vit ? […] Je ne suis pas un politicien, moi. Et c’est quoi la solution ? Ça m’a tellement scié de voir ça. De voir qu’un brave mec, d’un seul coup, se retrouve mis en examen, et qu’il peut aller en taule. C’est dingue. » Et de conclure sur ces propos d’une infinie nuance : « J’ai l’impression qu’on est en 1943 et qu’on a planqué un Juif dans la cave. »  

Ça, bien évidemment, cela n’a pas plu du tout au nouveau ministre de l’immigration, de l’intégration et de l’identité nationale qui aurait sans doute préféré s’en tenir à ses déclarations d’admiration politiciennes. Courroucé par cette contrepartie pourtant prévisible, Besson a très vivement rétorqué samedi sur RTL que Lioret « a plus que franchi la ligne jaune lorsqu’il dit que les clandestins de Calais sont l’équivalent des Juifs en 43 ; cette petite musique-là est absolument insupportable. Suggérer que la police française c’est la police de Vichy, que les Afghans sont traqués, qu’ils sont l’objet de rafles, etc., c’est insupportable ». Reste que la loi est la loi, et elle stipule bien que tout individu qui vient en aide à une personne en situation irrégulière est passible de poursuites et de cinq ans de prison. Mais manifestement, cela le ministre Eric Besson préfère l’ignorer. Ce matin il renchérissait sur Europe 1 « qu’aucun particulier qui avait simplement accueilli un réfugié dans l’urgence n’a jamais été inquiété ».

Dans le même temps, Vincent Lindon rentrait dans la polémique via une interview accordée ce week-end au Parisien.  » Je sais que le ministre a une tâche difficile. Je suis conscient qu’il n’est pas possible de laisser toutes les portes ouvertes. Mais, pour moi, il fait semblant de nier l’existence de cette loi. Or il y a bien eu des gens placés en garde à vue, comme cette femme qui voulait aider les migrants à recharger leur téléphone. Le mieux pour qu’une loi ne puisse pas être appliquée, c’est qu’elle n’existe pas ! Ce qui me choque, c’est qu’on puisse menacer de prison des gens qui ont de la compassion pour autrui. Si ce film pouvait contribuer à changer cette loi, ce serait positif. » De cela, on ne peut pas présager, même si la polémique, entamée alors même que le film (pas fameux d’ailleurs) n’atteindra les salles que mercredi, lui promet une publicité gratuite pas nécessairement inespérée, ce que Besson n’a pas manqué de relever : « J’ai la désagréable impression que les promoteurs du film se livrent à un dérapage volontaire ». Discours qui pourrait se tenir s’il n’émanait de celui qui il y a huit jours dressait publiquement des lauriers à Welcome dans une opération de communication toute démagogique qui, déjà, fleurait bon la récupération.