Le basketteur américain LeBron James a revêtu un tee shirt “I can’t breathe » en hommage à Eric Garner, l’Afro-Américain de 44 ans tué par un agent de la NYPD, juste avant son match contre les Nets le 8 décembre. Et il n’est pas le seul à avoir fait de son maillot un instrument de revendication politique.
Certains géants de NBA ne peuvent plus respirer. En tout cas c’est ce qui est écrit sur leur tee-shirt d’entraînement. Un I can’t breathe en grosses lettres blanches sur fond noir, qui fait écho aux derniers mots prononcés par Eric Garner. L’Afro-Américain de 44 ans a perdu la vie alors qu’il était maintenu au sol par plusieurs agents de la police new-yorkaise le 17 juillet 2014.
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Depuis, un grand jury new-yorkais a décidé ne pas engager de poursuites contre le policier qui a étranglé la victime. Ce non-lieu a provoqué l’indignation dans tout le pays. Des manifestations ont toujours lieu, et le I can’t breathe de Garner est devenu un véritable slogan contre les violences policières et la discrimination raciale. Ces dernières semaines, de nombreux sportifs ont décidé de s’impliquer dans cette lutte.
LeBron James et ses coéquipiers des Cavaliers de Cleveland sont les derniers à avoir franchi le pas en affichant ce I can’t breathe sur leur poitrine, juste avant un match contre les Nets de Brooklyn le 8 décembre. Leurs adversaires des Nets comme Kevin Garnett et Jarrett Jack ont fait de même, juste avant de poser pour une photo avec le rappeur Jay Z.
Possibly the most powerful image of the night. via @NetsDaily pic.twitter.com/2uDR2jzeXU
— devin kharpertian (@uuords) 9 Décembre 2014
“Notre société doit mieux faire”
C’est Jarrett Jack, un joueur des Nets, et ancien Cavalier, qui s’est chargé de distribuer des tee-shirts aux joueurs des deux équipes. LeBron James avait décidé de porter ce slogan après avoir vu Derrick Rose, meneur des Bulls de Chicago, faire de même samedi dernier. Une décision que James justifie en quelques mots : « Notre société doit mieux faire. Nous devons mieux nous comporter les uns avec les autres. Peu importe la couleur ».
Après le match, et la victoire de son équipe, LeBron James a tenu à réaffirmer son soutien aux proches d’Eric Garner : “C’était un message destiné à la famille, qui dit que je suis désolé pour ce décès, désolé pour sa femme.”
Le basketteur avait déjà exprimé sa douleur sur son compte Instagram il y a deux semaines, en postant une image représentant Michael Brown et Trayvon Martin, deux des victimes récentes de la police, bras dessus bras dessous, avec le commentaire : “La violence n’est pas une réponse. Les représailles non plus.”
Kyrie Irving, l’un des coéquipiers de LeBron James à Cleveland est persuadé que les sportifs doivent se mobiliser : « C’est un sujet qui nous transcende. Il faut que nous prenions parti tous ensemble ». Kevin Garnett, qui a fourni les tee-shirts pense aussi qu’il a un rôle à jouer : « Evidemment, nous ne sommes pas en première ligne de ce mouvement, mais je pense qu’il est important de soutenir ces communautés, et d’en faire partie ».
Lionel Hollins, le coach des Nets, défend l’implication de ses joueurs : “Ils doivent être investis politiquement, afin de défendre une prise de conscience dans la société (…) S’ils ressentent de l’injustice et qu’ils doivent l’exprimer, qu’ils le fassent. C’est leur droit, et je n’ai aucun problème avec cela.”
« Je me suis senti vraiment mal par rapport à tout ce qui s’est passé ces dernières semaines »
La veille, des footballeurs de Saint Louis engagés dans le championnat NFL ont aussi choisi d’afficher le mème « I can’t breathe » sur leurs chaussures, leur maillot et protège-poignets. David Joseph, défenseur de Saint Louis, a publié une photo de ses crampons sur son Twitter :
R.I.P Eric Garner pic.twitter.com/i84grny7pR
— Davin Joseph (@DavinJoseph75) 7 Décembre 2014
L’équipe s’était déjà fait remarquer la semaine dernière en entrant sur le terrain avec les deux mains levées, en écho au « Hands up don’t shoot » (« les mains en l’air ne tirez pas » ) qui ont résonné dans les rues de Ferguson après la mort de Michael Brown. Les footballeurs de Detroit leur ont aussi emboîté le pas. De façon spontanée, comme l’explique Reggie Bush, running back des Detroit Lions :
« J’ai toujours été discret, réservé. Celui qui se cache et ne prend pas parti politiquement. Mais là je ne sais pas, j’ai senti que … j’imagine que la situation m’a juste touché. Je me suis senti vraiment mal par rapport à tout ce qui s’est passé ces dernières semaines ».
« Tout ne peut pas être laissé de côté dès lors que l’on entre dans un vestiaire »
Ce n’est pas la première fois que des sportifs afro-américains luttent sur les terrains de sport. Tout le monde se souvient des poings levés de John Carlos et Tommie Smith sur le podium du 200 m des Jeux olympiques de Mexico en 1968. Ils avaient décidé de porter un gant noir et de baisser la tête durant l’hymne américain pour dénoncer les inégalités raciales. Ce geste leur avait valu l’exclusion des compétitions, et provoqué de très nombreuses réactions négatives.
Dans une interview pour USA Today, John Carlos a rapproché les revendications des joueurs de Saint Louis à celles qu’il a défendues lui-même en 1968. Pour lui, les sportifs doivent user de leur notoriété pour faire bouger les lignes : “Ils ont le droit de ne pas être d’accord et de le dire (…) Tout ne peut pas être laissé de côté dès lors que l’on entre dans un vestiaire.”
Des prises de position violemment accueillies par certains supporters
La NFL a choisi de ne pas punir les joueurs de Saint Louis, même si de nombreux américains ont réagi très agressivement à leur prise de position. La NBA n’a pas non plus entrepris de commission disciplinaire contre ses joueurs, même si Adam Silver, le commissaire de la ligue, a exprimé des réserves :
« Je respecte Derrick Rose et tous les joueurs qui défendent leurs opinions personnelles sur des thématiques importantes, mais je préférerais qu’ils respectent les codes vestimentaires en vigueur ».
C’est peut-être dans les tribunes que les réactions les plus virulentes se sont fait entendre. Une page Facebook appelant à boycotter l’équipe de Saint Louis a même été créée. Des collectes de vêtements de supporters ont été organisées afin de soulager les armoires de ceux qui ont décidé de ne plus soutenir leur équipe. Certains commentaires sont ouvertement racistes. D’autres plus modérés ne voient pas l’intérêt de la mobilisation : “Pourquoi ne pas rendre hommage aux vrais héros qui sont morts en défendant leur pays plutôt qu’à des voyous criminels.”
C’est d’ailleurs ce terme « thug » (voyou), qui revient le plus souvent dans ces commentaires lorsqu’ils évoquent les Afros-Américains tués par la police. Les vieux clichés sont encore très loin de s’éteindre. Et la mobilisation des sportifs noirs pourrait donc encore continuer longtemps.
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