Avec 424 nouveaux députés, l’Assemblée nationale connaît un renouvellement historique. Reportage dans un Palais-Bourbon bouleversé par tous ces petits nouveaux.
Il y a des phrases, des gestes et des scènes que l’on ne voyait plus à l’Assemblée nationale. Une députée France Insoumise qui va demander à son oncle de lui préparer des repas qu’elle ramènera au Palais-Bourbon dans des tupperwares. Un élu de La République en Marche (LREM) qui s’excuse de faire patienter un huissier sous un soleil de plomb parce qu’il répond aux journalistes. Le personnel de l’Assemblée qui ne cesse de parcourir le trombinoscope des 577 députés en se demandant: « Mais qui c’est, celui-là? ».
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Dans le coeur de la machine
424 députés entrent pour la première fois au Parlement. Jean-Carles Grelier, représentant LR de la Sarthe, est impatient de se mettre au travail. Il est pour l’instant, planté dans l’allée qui mène à la présidence de l’Assemblée, le plan du Palais-Bourbon dans les mains. Juriste de formation, suppléant du député sortant, il n’est pas un novice en politique mais il ne peut s’empêcher d’être « impressionné de se trouver dans le coeur de la machine, là où les lois s’écrivent ». Là aussi où les luttes de clans divisent les partis politiques, à commencer par le sien. La droite Macron-compatible annonce la création d’un groupe indépendant des Républicains. Et Jean-Carles Grelier se voit déjà contraint de choisir ses amis.
Plongée dans le chaudron des 4-colonnes
Lise Magnier, 32 ans, visage juvénile, silhouette d’adolescente, est dans le même cas. Elle succède à son maire, Benoist Apparu (LR). Pour se rentrée, ses parents l’accompagnent. Agnès et Louis sont « fiers » et disent, tout sourire, leur « bonheur » de la voir ici. La jeune femme elle ne se laisse pas impressionner. Elle a reçu de nombreuses sollicitations de la part de ses pairs chez Les Républicains mais son choix est fait, elle siègera avec les « constructifs », ce groupe de députés qui veulent tendre la main à Emmanuel Macron. « On a chez LR des responsables trop clivants », lance-t-elle déjà.
Derrière les photos souvenirs et les selfies, les petits nouveaux découvrent que l’Assemblée est d’abord une arène politique. Yannick Kerlogot (LREM) enchaîne les interviews dans la salle des Quatre colonnes. Thème du jour: les ministres MoDem doivent-ils quitter le gouvernement? Les questions fusent. Les mêmes réponses, comme un coup de pied en touche, se répètent: « Je suis là comme un novice », « j’arrive en provincial assumé », « je laisse la justice travailler ». Encore instituteur il y a un mois, Yannick Kerlogot prend le temps de répondre à toutes les sollicitations médiatiques, pourtant très éloignées de ses sujets de prédilection: « C’est la première fois que je fais ça. Je ne suis pas encore fatigué de cet exercice. »
Même pas le temps d’organiser son pot de départ
« Tout ça est très soudain, souffle Matthieu Orphelin (LREM), élu en Maine-et-Loire. J’ai démissionné de mon poste à l’Ademe, l’agence publique de l’environnement, hier soir. Je n’ai même pas eu le temps de faire un pot. J’ai juste envoyé ma lettre au DRH. » Ancien conseiller régional, proche de Nicolas Hulot, Matthieu Orphelin connaît toutefois le fonctionnement de la machine politique. Lui a déjà recruté les trois personnes qui formeront son entourage parlementaire.
Son voisin du Maine-et-Loire, Denis Masséglia (LREM) n’en est pas là. Dans sa circonscription, il a embauché deux militants qui l’ont accompagné depuis les premiers pas du candidat Macron. Mais à Paris, qui a les compétences pour rédiger la loi? Pas lui, employé chez Thalès. « Je vais m’appuyer sur le vivier que met à notre disposition le parti En Marche! », se rassure-t-il. Pour le reste, il s’appuie sur son expérience professionnelle. Même pour se repérer dans les couloirs labyrinthiques de l’Assemblée. « Le site de Thalès à Cholet, c’est 1700 personnes. Au début, je me perdais aussi là-bas. Et puis, j’ai pris le réflexe de toujours porter mon badge. Ca m’aide ici à me faire connaître des huissiers. »
Monsieur le député est un cador de World of warcraft
Pas sûr pour autant qu’il puisse partager ses passions avec le personnel du Palais. Son truc à Denis Masséglia, c’est les jeux vidéo. Il y a 2 ans et demi, il a créé une entreprise de réparation de consoles de jeux vidéos. Le prolongement d’une activité de gamer à haut niveau. Monsieur le député était l’un des membres d’une des meilleures guildes de World of warcraft, « Les croisés ». « A l’époque, il n’y avait pas tout ce contexte de tensions religieuses », s’excuse-t-il en citant le nom de son ancienne équipe.
Pour l’heure, très à l’aise dans son nouvel environnement, Denis Masséglia savoure. Le jeune député de 36 ans prend même le temps de nous conseiller un album, lui le fan de rock: le dernier Royal Blood. Il est excellent, paraît-il. L’Assemblée nationale a changé d’ère.
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