La nouvelle émission de téléréalité de M6 restaure le service militaire. Une occasion rêvée de prôner les joies de la discipline et de redonner le goût des armes à une jeunesse déboussolée.
Disparu en 1997, le service militaire est enfin restauré. En présentant, le mardi 16 février, Garde à vous, retour au service militaire, M6 relance un service national tant regretté par le peuple déboussolé suite à la disparition de ses bidasses en folie.
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Pour lui redonner le goût du choix des armes, dix-neuf jeunes âgés de 18 à 27 ans vivront in situ l’expérience du service, pilotée par l’instructeur Marius, à qui on ne la fait pas (“Mon prénom, c’est patron”). Les soldats se livreront à tous les rituels des conscrits d’autrefois : boule à zéro, parcours du combattant, ordre serré, lit au carré, bivouacs, bromure au petit matin…
Les morveux qui se croient tout permis
Dans l’épreuve physique et la soumission à l’autorité des chefs, ils découvriront le sens de la camaraderie et comprendront ce que la République promet quand on sait la servir par les armes. Trop cool, le service. En déplaçant vers l’univers militaire le goût qu’elle a de remettre au pas, et à la schlague, les morveux qui se croient tout permis (du Grand Frère à Super Nanny ou Le Pensionnat de Chavagnes), la télé prolonge un savoir-faire issu du second âge de la téléréalité.
Et Garde à vous joue habilement avec les codes d’un passé fantasmé (la France républicaine réunie au-delà de ses différences sociales et culturelles, l’apprentissage des armes) et d’un pur spectacle aux motifs surlignés : aussi bien les profils psychologiques des soldats (l’insoumis, le rigolo, le zélé, le frère d’armes…) que les situations, conçues comme des moments de pure théâtralité comique. Un tropisme assumé par Marius qui hurle aux oreilles de ses ouailles : “Si tu tombes, c’est la chute, si tu chutes, c’est la tombe”, ou “Si vous êtes fatigués, je peux vous prescrire du Motivex et de la Moraline : les deux chefs vous donneront ça, c’est en suppo !”
Un imaginaire social nostalgique de la discipline militaire
Dépassement de soi, respect de la hiérarchie, appel à la discipline : les valeurs de l’émission résonnent dans la France d’aujourd’hui, dont la perte d’autorité serait l’indice du désarroi profond, comme le répètent la cohorte des réacs en vue. Comme si l’espace du divertissement télévisuel trahissait ici un imaginaire social nostalgique de la discipline militaire et des vertus qu’elle incarnerait auprès d’une jeunesse désœuvrée.
Depuis des mois, des voix politiques s’élèvent pour réclamer le retour du service national, censé recréer des liens entre les citoyens. S’il est possible de défendre la grandeur républicaine d’une armée de conscription, on peut se désoler que cette pulsion d’ordre traverse la société française et trouve dans le divertissement populaire l’occasion d’affirmer l’urgence de sa réactivation. A quand une émission de téléréalité dans un forum de zadistes ou de militants anarchistes ?
en chiffres
1905
La loi Berteaux de 1905 instaure le service militaire à conscription universelle : elle supprime le tirage au sort en place pour la réquisition des jeunes pour l’armée et toute possibilité d’exemption autre que médicale.
1996
Jacques Chirac annonce la professionnalisation de l’armée française et suspend le service national pour tous les jeunes Français nés après le 31 décembre 1978. La loi passe au Journal officiel le 28 octobre 1997.
80 %
Le pourcentage de Français favorables à la création d’un nouveau service national, selon un sondage réalisé par l’Ifop en janvier dernier.
3
Le nombre de semaines de service pour ces conscrits médiatiques contre douze mois dans les années 1970, période de référence choisie par la production. Suffisant pour “insuffler aux jeunes l’esprit de cohésion nationale et de solidarité” ?
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